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Autour d'un expresso chez Lapauw : Underpromise and Overdeliver

02-09-2021

Aujourd'hui, je suis accueilli avec enthousiasme par Philippe D'heygere, qui me conduit immédiatement à la machine à expresso et m'explique le menu. D'heygere avait bien compris le principe de cette série d'articles : pas d'interview sans expresso ! Ce qui m'a immédiatement enchanté. Très vite, nous entrons dans la salle de réunion, où je suis immédiatement prévenu : "Ici, pas de reportage sur l'entreprise sans évoquer son passé, qui est essentiel pour comprendre son avenir et son but."

 

Kamiel Lapauw – à l'origine fabricant de compresseurs pour machines à récolter le lin et ingénieur très inventif – a commencé à concevoir la première machine à laver industrielle pour hôpitaux (300 kg), ainsi qu'une calandre à vapeur brevetée et révolutionnaire (dans laquelle la cuve est pressée contre le rouleau, permettant un contact de repassage pouvant atteindre 200 degrés et une meilleure répartition de la pression sur le feutre de contact), et ce en pleine crise du lin. Sur le plan technologique, les concurrents de l'époque ne juraient que par une méthode utilisant un rouleau qui était pressé contre une cuve fixe, ce qui entraînait une usure plus rapide de la couche de feutre de contact qui, après quelques heures, était donc moins en contact avec la cuve et produisait moins de vapeur. La technologie de cette calandre à vapeur a été perfectionnée au fil des décennies et est aujourd'hui encore ce qui permet à Lapauw de garantir une longue durée de vie (40 ans) et donc un faible coût total de possession de ses machines. Son fils, Romain, lance ensuite la calandre à gaz avec une cuve en acier au carbone beaucoup plus fine. Et enfin, la troisième génération a scindé les activités de lavage et de repassage en deux unités distinctes, mais avec un succès variable. Pour les familles, cette période a également marqué le début d'une longue recherche pour trouver un repreneur potentiel.

 

D'une qualité exceptionnelle à la conformité au marché international

En 2010, l'entrepreneur Philippe D'heygere, alors âgé de 55 ans, a racheté l'entreprise. Il y a onze ans, D'heygere s'était fixé pour objectif de perfectionner la gamme de produits d'excellente qualité. Une première priorité était de faire en sorte que toutes les machines soient conformes aux normes les plus écologiques, actuelles et internationales, ainsi qu'aux normes relatives au marquage CE, à la qualité, au travail et à la sécurité (un argument de vente non négligeable dans un contexte de normalisation internationale très strict). Un deuxième objectif était de répartir le risque client et de devenir moins dépendant des agents locaux (un tiers du chiffre d'affaires provenait de France). Pour D'heygere, il était clair que Lapauw devait se développer par ses propres moyens, mettre en place un réseau de ses propres vendeurs et filiales dans le monde entier, éliminer les intermédiaires et répartir le risque client.

 

Le chiffre d'affaires a ainsi pu faire un bond de 12 à 22 millions d'euros. En 2016, une filiale a été ouverte aux États-Unis, et celle-ci a aussitôt réalisé un chiffre d'affaires de 7 millions d'euros. Il est rapidement apparu que les ambitions de croissance étaient freinées par les insuffisances en termes de capacité de l'usine belge et, en outre, par un marché du travail trop restreint. Peu après, il a été décidé de construire une nouvelle usine de production (Demapro) à Karvina, en République tchèque. La République tchèque dispose en effet d'un marché du travail flexible, où l'électromécanique et la transformation des métaux sont historiquement inscrites dans l'ADN local. Demapro fournit également des équipes techniques après-vente flexibles pour les réparations internationales. Actuellement, le prochain Group Aftersales Manager, un ancien ingénieur industriel tchèque, est en formation en Belgique, où il apprend à parfaitement connaître tout ce qui se rapporte à la surveillance IoT, aux applications de l'Industrie 4.0 et aux innovations relatives aux machines. Aujourd'hui, il existe des filiales directes aux États-Unis, en France, en Chine, en République tchèque et à Hong-Kong pour l'Asie-Pacifique.

 

 

Les pièces qui doivent être remplacées sont généralement des articles ordinaires disponibles à la vente et non des articles devant être fabriqués spécialement, ce qui permet à tout client, où qu'il se trouve dans le monde – que ce soit au Machu Picchu ou à Saigon – de trouver rapidement les bonnes pièces sans avoir à attendre qu'une pièce hors de prix arrive de Belgique. Et il s'agit là d'un atout de taille.

 

Naturellement, Lapauw dispose de son propre service technique pour les réparations et les rénovations d'équipements dans le monde entier. D'heygere apporte quelques précisions à ce sujet : "Des équipes sont disponibles pour les calandres à vapeur comme pour les calandres à gaz. Le changement de l'huile thermique ou le nettoyage des tuyaux des calandres à gaz après 4.000 heures sont des opérations qui doivent être effectuées dans les règles de l'art et dont nous sommes généralement responsables."

 

Disruption des marchés et des niches : 30 % devient 100 %

Le marché de Lapauw est scindé en deux segments principaux. Medical (30 %) est le marché mondial des applications médicales dans les hôpitaux et les salles blanches. Et Hospitality (70 %) est le segment mondial qui propose des solutions de blanchisserie, de repassage et de séchage pour l'horeca, le tourisme (y compris les bateaux de croisière, les trains de nuit et les compagnies aériennes), les loisirs (sur site) et toutes les blanchisseries (industrielles) telles que Dumoulin, Malysse, BTB-Initial, Elis, etc.

 

Le 13 mars 2020, tout est parti en vrille. Les commandes du segment Hospitality ont été réduites à néant, et Lapauw s'est donc rabattue sur le segment Medical, dont la part de marché s'élevait à 30 %. En adoptant rapidement une stratégie de vente assertive, la société est parvenue à remporter 7 des 10 appels d'offres en cours pour des hôpitaux et des salles blanches (principalement en France et en Afrique du Sud). Lapauw était prête avec des technologies conformes aux exigences fixées pour combattre la propagation du COVID-19 telles que Mediwave Barrier (un système de lavage avec des systèmes de chargement et de déchargement séparés), Medistream (un système de séchage utilisant de l'air chaud filtré) et Hotstream Tunnel Finisher (une solution de repassage de pointe pour les vêtements du personnel médical, avec une capacité de 2.500 pièces/heure).

 

 

Photo du système Mediwave (système de lavage à barrière utilisant un plastique à renfort de verre et un revêtement en dioxyde de titane pour obtenir des propriétés chimiques et antibactériennes exceptionnelles, ainsi qu'une résistance mécanique très importante). Pour les applications médicales où il existe un risque de contamination et où des agents très agressifs sont utilisés, Lapauw offre des solutions uniques en leur genre.

 

Lean Opex – Mean Capex

Avec l'effondrement du segment Hospitality, Lapauw a dû rapidement convertir le segment Medical en marché principal. "Quand 70 % de notre chiffre d'affaires se volatilise, il est évident que nous devons gérer nos dépenses d'exploitation de manière plus agile et au plus juste, de même que nous devons gérer nos dépenses d'investissement et de R&D avec plus de rigueur. Grâce à des solutions de pointe et à des efforts supplémentaires au niveau des ventes, nous sommes parvenus à faire progresser le marché initial de 30 % à 100 %, ce qui a permis de porter les ventes à 12 millions d'euros (ventes avant acquisition).

 

"Nous n'avions pas le temps de débattre sur la manière dont nous pouvions mettre en place un système de gestion rationnelle et agile. Nous nous sommes donc rapidement séparés de notre CEO et d'un certain nombre d'ingénieurs de l'époque, et notre département de R&D est devenu notre War Room, où les ingénieurs compétents restants et une équipe super motivée ont travaillé sans relâche et à une vitesse phénoménale pour développer de nouvelles améliorations et innovations. L'année 2020 est ainsi soudainement devenue l'année où mon épouse a fait son entrée urgente dans la société et, avec la plus grande habileté, a jeté un pont entre les 2 silos IT et OT et a lancé le nouveau PGI avec notre département IT".

 

Numériser et innover à un rythme effréné

"Nous nous sommes retrouvés dans une situation où une poignée de personnes connaissaient parfaitement nos machines et notre production, et tous les schémas et combinaisons techniques étaient malheureusement stockés dans leur tête. Il était donc urgent de numériser tous les schémas 3D (via Windshield) des composants et des machines. Nos flux ont été entièrement intégrés via Odoo au sein du PGI (qui englobe différentes fonctions : MRP, CRM et PLM) et déployés dans nos filiales. Désormais, chacun sait quelles pièces sont disponibles et à quel moment, et une commande peut être entièrement planifiée en respectant des délais corrects pour le client. La grande rareté des matières premières et des composants exige que vous, en tant qu'équipementier, sachiez parfaitement quand, combien et où les pièces détachées doivent être disponibles, afin que l'équipe commerciale puisse parfaitement transformer les devis en cours de traitement en tickets planifiables pour la production et la livraison. Un autre avantage de la République tchèque est que nous pouvons obtenir de l'acier sur place bien plus rapidement qu'ici."

 

 

 

La numérisation de tous les services a naturellement entraîné de nombreux problèmes sur le terrain. Le déploiement d'un tel projet se fait en effet par phases et principalement en utilisant la méthode essai-erreur.

 

"De nombreux malentendus, des erreurs de débutant et des flux d'informations imprécis ont toutefois été résolus de manière judicieuse par mon épouse et notre service informatique très dynamique. À l'heure actuelle, nous avons atteint le point où nous pouvons prendre en charge les machines entièrement à distance à la demande du client. Nous introduisons ensuite les paramètres nécessaires et travaillons derrière un pare-feu sécurisé. En principe, nous n'envoyons les nouvelles données et les mises à jour que si le client nous donne son accord. En cas d'alerte, nous pouvons également arrêter une machine à distance pour la sécurité du client."

 

Le vaccin de Lapauw : The Innovation Guerrilleros

C'est avec un brin d'humour que D'heygere nous confirme la transformation de la salle d'ingénierie en War Room et la rebaptisation de son équipe d'ingénieurs en Innovation Guerrilleros.

 

"Un léger sentiment de faim augmente toujours votre concentration : c'est selon ce principe que Lapauw a su innover en utilisant ses propres compétences, en sortant parfois même de sa zone de confort. Tout le monde pense qu'il suffit de désinfecter la poignée d'un chariot de supermarché pour être en sécurité. Suffisamment d'études indiquent cependant que les chariots de supermarché sont contaminés partout, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et notamment au niveau des sièges pour bébé. Et ils ne sont pas seulement contaminés par le COVID-19, mais aussi par l'E. coli, des salmonelles, etc. Les fauteuils roulants dans les hôpitaux et les maisons de repos ont ce même problème. Lapauw a donc mis au point un système de décontamination des chariots capable de décontaminer plusieurs chariots avec soit de l'ozone, soit un brouillard sec, en fonction du lieu (espaces ouverts ou fermés). Nous en sommes maintenant au stade où nous proposons ce système à des détaillants, et même à des aéroports. Nous disposons d'un prototype, qui a été fabriqué dans notre filiale en République tchèque. Nous procédons à une analyse complète des risques et, en parallèle, nous optimisons le look & feel de l'installation. Nous sommes désormais en mesure de désinfecter 12 chariots en 2 minutes, avec un taux de désinfection de 98,5 %. Un petit supermarché peut donc à présent proposer une gamme complète de chariots décontaminés à ses clients pour 8.000 euros."

 

 

 

Lapauw 2030:  Underpromise and overdeliver

"Nous voulons traverser la crise du COVID-19 en adoptant une stratégie lean and mean, et ainsi faire grimper notre chiffre d'affaires à 23 millions d'ici 2023. Pour 2030, nous voulons atteindre 40 millions, répartis équitablement entre l'Europe, les États-Unis et l'Asie. Les États-Unis et la France sortent de la crise à la vitesse de l'éclair, et ici, les budgets sont déjà respectés (pour l'instant, toujours sans les clients du segment Hospitality, et donc uniquement avec le segment Medical). Durant la crise du COVID-19, la situation était si catastrophique que de grandes blanchisseries industrielles ont tout simplement dû fermer leurs portes et n'ont plus pu servir leurs clients. Dans les villes, nous avons vendu plusieurs petites machines pour répondre à la demande locale de services de blanchisserie. Mais le segment Hospitality est en train de revenir en force aux États-Unis, et nous pensons que la proportion Medical-Hospitality finira un jour par se stabiliser à 50/50. Nous prévoyons une forte croissance de l'Arabie saoudite, du Qatar et des autres émirats. Les bénéfices tirés du pétrole et du gaz sont en train de s'effondrer, et d'énormes projets sont donc prévus pour stimuler le tourisme dans ces régions. Depuis la crise du COVID-19, la peur règne là-bas aussi. Nous avons récemment livré 60 machines à laver industrielles à la plus grande blanchisserie spécialisée pour désinfecter les vêtements des très nombreux pèlerins du hajj à La Mecque." (photo)

 

 

Philippe D’heygere : serial entrepreneur with a British-Burgundy twist

Comme le veut la tradition, nous avons cherché à savoir ce qui préoccupe Philippe D'heygere, ce qui le stimule, et comment il envisage son avenir personnel.

 

Lessons learned from COVID-19?

"C'est qu'aujourd'hui, en tant que directeur d'entreprise, je suis plus proche que jamais de mes collaborateurs ; j'ai à mes côtés des personnes compétentes et motivées, et je ne me suis jamais senti lié de manière aussi fusionnelle à mon épouse et à mes enfants, qui ont tous intégré l'entreprise."

 

Ce qui intéresse le plus Philippe, c'est la croissance rapide de la population mondiale, qui devient de plus en plus mobile et doit en même temps rester en bonne santé.
"La Terre comptait 2,6 milliards d'habitants en 1954, et nous sommes aujourd'hui 7,6 milliards. En 2040, la population mondiale devrait passer à quelque 9,3 milliards d'habitants, et c'est en Afrique que la croissance sera la plus forte. Toutes ces personnes vont se déplacer, voyager et naître, vivre et mourir dans de meilleures conditions. L'hygiène est un facteur essentiel dans le développement d'une population mondiale qui voyage aux quatre coins de la planète. En Chine et en Afrique, il y a un énorme retard à rattraper en matière d'hygiène. Plus il y a de gens, plus les pandémies se propagent rapidement, et plus la désinfection est nécessaire."

 

"'On n'est jamais mieux servi que par soi-même' et 'Le bonheur, c'est désirer ce que l'on a'. Avant, j'avais l'habitude de confier la direction de l'entreprise à d'autres personnes, mais aujourd'hui, c'est moi qui la dirige. Je suis plus proche que jamais des gens, et les gens sont plus proches les uns des autres. La crise du coronavirus a été un test de résistance qui a permis de déterminer qui était à son aise dans l'organisation et qui ne l'était pas. Les voyages peuvent être plus productifs et sélectifs, et il existe de nombreux systèmes de réunions numériques. Le budget voyages était proche de zéro lorsque notre chiffre d'affaires a chuté de 70 %. Nous avions repris l'entreprise avec une dette bancaire. À l'époque, nous avons également décidé de mettre en vente ce bâtiment vétuste, car nous voulions investir dans un nouveau site moderne et durable, que nous recherchons actuellement, et ainsi réduire notre endettement."

 

Old British rock-solid, le Chasseur Bourguignon et Die Ring Der Nebelungen

"À 67 ans, je ne peux pas me contenter de lire des livres, de voyager, de jouer au golf et de faire du vélo. De plus, je ne tolère pas le soleil. Je veux créer des choses et des concepts, voir des progrès, et de préférence avec les gens qui m'entourent. Fabriquer une machine à laver industrielle à usage intensif pour une blanchisserie allemande spécialisée dans les produits chimiques dangereux et mettre cette solution au point avec l'aide d'une équipe d'ingénieurs et de mécaniciens – voilà ce qui me stimule ! J'aime sortir des sentiers battus, mais j'écoute toujours les idées des autres. En tant qu'ingénieur en construction, je suis toujours fasciné par la mécanique traditionnelle de nos aïeux. Rien ne peut égaler les générations précédentes de Bentley et de Toyota Land Cruiser en termes de longévité. Tout comme je suis impressionné par les anciennes installations de Lapauw des années soixante qui sont toujours en service !"

 

Le cœur de D'heygere bat en outre crescendo au rythme de l'opéra classique (Mozart, Tchaïkovski, Beethoven et Wagner), sans oublier les opéras de Glyndebourne. Il est en outre passionné par l'exploration de vastes terrains de chasse, et apprécie aussi énormément la dégustation d'un bon vin de Bourgogne et d'un bon havane en bonne compagnie.

 

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