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Bonne année, et puis bonne chance avec... la Chaîne d'Approvisionnement 2.0.22

07-12-2021

 

Nous n'avons pas pour habitude d'écrire des lettres de Nouvel An dans notre lettre d'information mensuelle Industrialfairs Monthly, mais pour celle du mois de décembre, nous allons faire une petite exception. Nous nous sommes en effet dit que nous allions faire quelque chose de bien cliché, et voici donc notre tribune. Après tout, aucun média ne peut résister à la tentation de vous 'rabâcher les oreilles' avec des théories et des prévisions grandiloquentes sur la chaîne d'approvisionnement du futur. Ah, oui, la technologie, la logistique intelligente et la relocalisation vont résoudre les problèmes structurels. Mais il est grand temps d'également s'intéresser à l'autre côté de l'histoire. Les lecteurs du monde politique et du secteur maritime feront probablement la grimace...

 

The system of getting things from A to B is broken. Fixing it will involve rethinking how pretty much everything moves (Peter Cole)

 

Au mois d'août, il a commandé en Chine pour 1,6 million de dollars australiens d'équipement hydroponique et d'éclairage, qui seront expédiés depuis Shenzhen dans 2 conteneurs de 40 pieds chacun. Aujourd'hui, le porte-conteneurs vogue toujours sans but dans l'océan Pacifique. Normalement, une telle commande est produite, emballée, expédiée et traitée pour le client en 6 semaines. Puis est arrivée la pandémie, pour ainsi dire… Mais Cole n'est bien entendu pas la seule victime dans ce monde.

 

À propos de la 'tempête parfaite' et des gouvernements populistes

 

Selon Cole, la pandémie n'est que le catalyseur de ce concours de circonstances catastrophiques que nous appelons la 'tempête parfaite'. De l'Ever Given qui a bloqué le canal de Suez au COVID-19 qui a été le déclencheur d'une énorme vague d'achats en ligne, en passant par l'abandon du charbon en Chine au profit d'autres énergies renouvelables, toutes les pièces du puzzle ont été parfaitement alignées pour entraîner de graves perturbations dans la chaîne d'approvisionnement à long terme. Les conséquences sont considérables : depuis la flambée des prix des cadeaux et de la dinde de Noël jusqu'à la ruée vers les promotions du "Black Friday", en passant par les rayons vides des supermarchés et les ventes de voitures quasi inexistantes, sans oublier la course effrénée aux conteneurs d'expédition habituellement utilisés pour emballer et expédier des marchandises dans le monde entier.

 

Les problèmes qui perturbent la chaîne d'approvisionnement vont des interventions massives des gouvernements à la pandémie mondiale qui entraîne la fermeture des ports. Pour Marc Levinson, auteur de deux ouvrages sur les conteneurs maritimes, le meilleur point de départ est le monde politique. "Partout dans le monde, les gouvernements ont stimulé la consommation sur fond de pandémie", explique-t-il. Le Royaume-Uni, par exemple, a mis en place à l'été 2020 un ensemble de mesures incitatives économiques spécialement conçues pour inciter les gens à faire leurs achats dans les rues commerçantes. Aux États-Unis, les chèques de relance envoyés directement aux citoyens ont entraîné une augmentation des dépenses mensuelles des consommateurs de 4,2 % en mars 2021. Les consommateurs sont également incités à dépenser leur argent en ligne, ce qui nécessite une adaptation rapide du mode de fonctionnement des entreprises. Pendant des décennies, la dépendance à l'égard du transport maritime a assuré ce que Breslin appelle 'une belle stabilité pour le commerce de détail'. Ce dernier a augmenté de 2 % chaque année ; les détaillants ont également publié deux catalogues de nouveaux produits tous les 12 mois, afin que les magasins puissent acheter leur stock à l'avance. "Il n'y avait aucune résilience intégrée au système", explique Breslin. "Cette complaisance est le résultat de longues années de succès."

 

 

Mais ensuite, tout a changé : nous avons commencé à dépenser beaucoup plus d'argent en ligne, et notre mode de vie a lui aussi évolué. Tout d'abord, tout le monde a voulu acheter en urgence un bureau pour pouvoir travailler à domicile, puis il y a eu une ruée vers les meubles de jardin et la farine. Tous ces produits devaient être fabriqués et expédiés quelque part : oui, en Chine, qui se trouvait justement être le point de départ de la pandémie et dont le gouvernement était bien déterminé à adopter une approche de tolérance zéro à l'égard du virus. Cole s'attendait à voir exploser les ventes pendant la période de Noël, mais pour l'instant il ne sait pas si ses marchandises seront en Australie à temps pour les fêtes. "Cela va sérieusement nuire à nos ventes et à notre entreprise", souligne-t-il. "On ne peut pas vendre un produit qu'on n'a pas en stock !"

 

Organiser et numériser le trafic maritime de manière plus intelligente

 

Le témoignage de Cole donne une idée de l'éventail des facteurs qui perturbent actuellement la chaîne d'approvisionnement mondiale. Tout d'abord, les articles ont été fabriqués de manière incorrecte, ce que les fournisseurs de Cole imputent au rationnement de l'électricité en Chine, le pays s'efforçant d'abandonner l'énergie issue du charbon. Ensuite, les contacts de Cole en Chine n'ont pas pu trouver de cargo pour honorer la commande. Cole pensait que ses deux conteneurs maritimes seraient chargés sur un navire près de Shenzhen le 13 novembre, mais les articles ne sont arrivés dans le port que le 19 novembre. "Même après que le navire ait quitté le port, le voyage entre Shenzhen et Sydney était censé durer 11 jours, mais trois jours supplémentaires ont été ajoutés au programme", explique Cole. De plus, il n'y a aucune certitude quant au fait que les marchandises seront débarquées immédiatement, pas plus qu'il n'y a de garantie que le dédouanement australien se fera sans complications. "En temps normal, deux jours suffisent pour acheminer les marchandises du port à notre entrepôt, mais je n'ai absolument aucune confiance dans ce système", précise-t-il.

 

Pour Levinson, cette incapacité à suivre les commandes avec précision est un problème qui se pose dans toute la chaîne logistique du transport maritime. Et cela aggrave des problèmes plus généraux. "Il n'y a pas de traçabilité en temps réel de la plupart des expéditions qui passent par le système de fret", déplore-t-il. "C'est pourquoi certaines marchandises se retrouvent aux quatre coins du monde et disparaissent. Cette incertitude a été amplifiée par de graves perturbations de la chaîne d'approvisionnement survenues au cours de l'année dernière. Souvenez-vous, par exemple, des fermetures de port de dernière minute dues à des épidémies de COVID-19, comme cela s'est produit en août 2021 à Ningbo, le troisième port de fret mondial, ou encore du blocage temporaire, en mars 2021, du canal de Suez, par lequel transitent 12 % des marchandises échangées dans le monde. La Chine a en outre exigé de 20 de ses plus grandes villes et provinces qu'elles utilisent moins d'énergie pendant le reste de l'année afin d'atteindre des objectifs environnementaux, laissant les usines et les industries en activité pendant une partie de la journée seulement."

 

Le résultat de tout cela ? Un ralentissement mondial de la chaîne d'approvisionnement qui fait tout capoter et rend l'expédition de marchandises dans le monde plus coûteuse que jamais. "Le transport maritime est une activité économique importante pour les compagnies maritimes. Ils enregistrent des bénéfices records", affirme Levinson. Bien que cela fasse maintenant longtemps que les tarifs du transport maritime ne sont plus ce qu'ils étaient – avec, par exemple, des prix plus élevés pour envoyer un conteneur d'Asie en Europe que l'inverse – les coûts ont grimpé en flèche partout. Au début du mois d'août, l'expédition d'un seul conteneur de 40 pieds de Shanghai à Los Angeles coûtait 1.700 dollars. Un an plus tard, le prix était passé à 3.000 dollars. En août 2021, cet itinéraire a coûté 10.200 dollars, selon les données fournies par le bureau d'analyses Drewry World Container Index. Avant, Cole payait environ 2.500 dollars pour expédier un seul conteneur de 20 pieds de la Chine vers l'Australie. Maintenant, il doit débourser 5.500 dollars. "Je suis assez inquiet au sujet des factures pour mes conteneurs de 40 pieds. Mais je ne recevrai la facture que lorsque le conteneur arrivera au port."

 

Face aux prix élevés, de nombreuses grandes entreprises évitent le transport maritime traditionnel et affrètent elles-mêmes des navires, car elles trouvent cette solution plus économique. Costco a notamment affrété trois porte-conteneurs pour transporter des marchandises depuis des sites de production en Asie vers les États-Unis et le Canada, tout comme Walmart, Ikea et Home Depot. "Les facteurs d'inflation sont légion", a déclaré Richard Galanti, directeur financier de Costco, aux investisseurs lors de la réunion d'annonce de ses derniers résultats financiers. "Les coûts de main-d'œuvre plus élevés, l'augmentation des coûts de fret, la demande accrue de transport et les retards dans les ports, la demande croissante dans certaines catégories de produits, les diverses pénuries de toutes sortes de produits, allant des puces informatiques aux huiles et aux produits chimiques, et les prix plus élevés des matières premières sont tant de facteurs qui ont eu un impact sur les activités des détaillants", a ajouté Galanti. Ceux qui n'ont pas affrété leurs propres navires en ressentent à présent le contrecoup. La moitié des produits de Victoria's Secret sont bloqués en mer. Le reste est acheminé par avion, mais il faut désormais compter neuf jours au lieu de deux, car la course aux vols de ravitaillement entraîne là aussi des retards.

 

Les meilleures résolutions du Nouvel An sont reportées à la fin de 2022

 

 

Selon les prévisions de Drewry, les activités de transport maritime mondial ne se normaliseront pas avant la fin de 2022 – une estimation corroborée par Breslin. L'heure est au boom pour les exploitants de compagnies de transport maritime, qui devraient afficher des bénéfices avant intérêts et impôts de 150 milliards de dollars pour cette année. Pour tous les autres, cette réalité est source de graves soucis. "Certains ont raté des ventes parce qu'ils n'avaient pas assez de stock à vendre ou qu'ils avaient constitué des stocks trop importants", constate Breslin. "Tout CEO d'un grand détaillant ou d'une grande marque ne voudra plus jamais se retrouver dans cette situation fâcheuse."

 

La solution, selon lui, passe par une réorganisation complète du fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement. Il compare cela à la manière dont les protocoles d'Internet ont été élaborés à la fin des années 1960. "Ils ont été conçus pour résister aux attaques nucléaires", dit-il. Les chaînes d'approvisionnement du futur doivent intégrer une marge de manœuvre similaire, avec des mesures de délocalisation rapprochée de la production, afin que les chaînes d'approvisionnement plus courtes ne perturbent pas les marchés autant qu'aujourd'hui.

 

Un seul plan pour réparer la chaîne d'approvisionnement mondiale n'est pas suffisant

 

"Nous voyons les gouvernements renforcer leurs politiques économiques", observe Levinson. "Certains signes nous laissent également penser que les taux d'intérêt vont augmenter, ce qui aura pour effet de freiner certains consommateurs dans leurs dépenses. Mais une baisse de la demande des consommateurs n'inversera pas les changements fondamentaux provoqués par la pandémie et la crise climatique."

 

Une fois la tempête passée, les détaillants, qui déplorent la perte de leurs stocks et le gaspillage de leurs investissements, feront pression pour que des changements soient apportés : raccourcissement des itinéraires d'expédition, mises à jour plus fréquentes des stocks et, éventuellement, passage aux précommandes plutôt qu'aux livraisons juste-à-temps. Mais tout cela arrivera bien trop tard pour Cole, qui se retrouve avec des stocks en mer et la perspective d'une facture d'expédition astronomique pour des articles qui n'arriveront probablement pas à temps pour les fêtes. "Cela nous a déjà fait beaucoup de tort, mais nous ne pouvons pas y faire grand-chose", dit-t-il, quelque peu résigné, pour conclure.

 

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