Alors que je m'imprègne de l'atmosphère qui règne dans le hall d'entrée de Modular Lighting Instruments, je me sens un peu comme si j'étais soudainement descendu dans le Sud. S'exprimant dans un anglais teinté d'italien, quelques architectes et designers discutent avec enthousiasme et cordialité autour de la majestueuse machine à expresso. En tenue sobre mais égayée par des chaussures de marque aux couleurs bigarrées, Bart Maeyens me conduit en haut des escaliers menant à la salle de réunion.

Maeyens dégage un enthousiasme contagieux lorsqu'il revient sur l'histoire de l'entreprise, avant d'en évoquer l'avenir. Modular, anciennement Interbeams, a vu le jour en 1980 dans le petit magasin d'éclairage (baptisé T'Grys Peird) que Paul Rommens avait ouvert en tant que fournisseur d'installateurs et de grossistes en équipements électriques. Rommens, surnommé Polle Spot, avait fondé cette entreprise après avoir ressenti une certaine frustration à l'idée que le matériel d'éclairage de l'époque était principalement importé, qu'il n'était pas toujours très innovant, et qu'il ne répondait de surcroît pas aux normes qui étaient alors en vigueur pour ce qui est de la fonctionnalité et de la facilité d'installation. À l'époque, la Belgique comptait de toute façon peu de fabricants et de concepteurs de luminaires design, que ce soit pour le marché résidentiel ou celui des bâtiments d'entreprise. C'est ainsi que Polle Spot (Rommens) a fini par s'imposer dans son propre pays, en proposant des systèmes d'éclairage innovants, d'abord destinés aux installateurs, puis rapidement aussi aux architectes et aux décorateurs d'intérieur.

1984 est l'année où Interbeams a fait sa percée internationale (à Hanovre) en présentant ses produits aux plus grands distributeurs et agents, mais aussi en fournissant des produits architecturaux haut de gamme, avant d'être rebaptisée Modular Lighting Instruments en 1987. Une véritable expérience de marque a donc été créée, certains produits phares ayant servi à introduire la marque auprès de différents architectes et décorateurs d'intérieur, qui sont par la suite devenus leurs meilleurs ambassadeurs auprès des clients les plus prestigieux. Partant de simples produits d'éclairage, Rommens a su créer une marque emblématique hors du commun.

Au début des années 2000, l'entreprise était dans une phase de croissance exponentielle, mais elle avait désormais besoin de se structurer et il n'y avait pas de réelle succession familiale. La société a par conséquent été vendue à un fonds d'investissement privé, qui a su lui apporter une structure mais pas une vision. La société est ensuite passée aux mains de Philips Lighting, qui a remis Modular sur le devant de la scène. Modular est aujourd'hui présente partout dans le monde, avec 7 showrooms et plusieurs équipes commerciales (Norvège, Suède, Pays-Bas, Suisse, Paris, Allemagne, Italie, Pologne, Amérique du Nord et Belgique). L'entreprise a investi des ressources financières et humaines dans la transformation numérique et l'automatisation, ce qui lui a permis d'enregistrer une croissance à deux chiffres au cours de ces dernières années.

Beau, de grande qualité et conçu de manière modulaire (intemporel)

"Rommens avait identifié les problèmes de mauvaise qualité et d'installation du côté de l'installateur, mais il avait aussi compris que le client final était avide de conceptions belles et innovantes", déclare Bart pour amorcer notre entretien. En outre, tous les produits devaient être conçus et fabriqués de la manière la plus modulaire possible – ce qui, pour les années 80, était clairement l'œuvre d'un visionnaire, sachant que la modularité est l'un des principaux piliers des ODD (objectifs de développement durable) et de l'Industrie 4.0. Modular continue en effet elle aussi à se concentrer sur les thèmes de la durabilité en suivant les ODD. Les flux de déchets ont déjà été ramenés à zéro. Tous les plastiques ont été supprimés de nos emballages, et nous sommes constamment à la recherche de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux pour aller au-delà de la neutralité carbone. Mais le plus important est de parvenir à fabriquer un produit capable de fonctionner pendant toute une vie."

"Il faut aussi savoir que le Parlement européen a voté en faveur du 'droit à la réparation', qui exige que les produits soient développés et fabriqués de manière à pouvoir être réparés rapidement et facilement (comprenez 'de manière modulaire)", poursuit Maeyens. Plus précisément, le CEO explique que l'installateur doit utiliser systématiquement les mêmes jeux de vis pour le montage/démontage. "Toutes nos solutions sont de ce fait assemblées en utilisant le même jeu de vis, et elles ne sont donc ni collées, ni soudées, ni rivetées."

"Il faut bien se rendre compte que cela constitue un défi de taille pour nos ingénieurs", souligne-t-il. Pour chaque nouveau produit, un pourcentage minimum de réutilisation des pièces doit être garanti. La référence Mini Multiple, par exemple, avec laquelle Paul Rommens avait percé au niveau international en 1984, peut encore être réparée aujourd'hui, même avec un nouveau module de LED et d'alimentation."

Outre la réutilisabilité, l'interchangeabilité permanente et la facilité d'installation, la modularité signifie également que la gamme de produits doit pouvoir être utilisée de façon mécanique sur tout nouveau type, toute nouvelle épaisseur et tout nouveau matériau de support (plafond, mur, façade, plancher, toit, etc.) de façon intemporelle.

Une mission repensée : production, conception et vente grâce à de nombreux outils numériques – Mymodular.com 

En 2014, Maeyens a décidé d'opérer des transformations avec son équipe. Et il n'y a pas été avec le dos de la cuillère ! La mission et la vision de l'entreprise se résument donc à présent comme suit : "Nous sommes là pour offrir aux professionnels de l'éclairage créatifs (architectes, concepteurs, spécialistes de l'éclairage...) la beauté, la créativité et l'ingéniosité technique, en leur proposant une solution modulaire, ingénieuse et mécaniquement irréprochable qui doit faire partie de leur vision globale, de manière réfléchie, durable et responsable."

À cette fin, 5 piliers ont été définis :

1. Le produit doit être esthétique, modulaire et techniquement ingénieux ; les 85 familles de produits doivent obtenir une note de qualité de 5 étoiles au moyen de chiffres mesurables (coût de la non-qualité inférieur à 0,3 %, etc.).
2. Marque : de la marque hors ligne (événements et imprimés) à la marque en ligne, qui permet d'attirer des prospects et des informations par voie numérique pour un public mondial plus large.
3. Des partenaires qui optent pour la carte Modular et vice-versa. Ce qui compte, ce sont les relations à long terme avec des partenaires fidèles. Dans ce domaine également, nous garantissons une fiabilité supérieure à la moyenne observée dans le secteur. Nous nous concentrons ensuite sur la numérisation et l'automatisation d'un maximum d'interactions avec nos partenaires (songez par exemple aux devis, aux commandes, aux livraisons, aux plaintes, etc.). Tout est regroupé au sein d'un seul et même portail client. Nos partenaires peuvent ainsi se concentrer de manière optimale sur leurs créations dans leur région et non sur les contraintes liées à leur fonctionnement.
4. Qualité des ventes : les équipes commerciales avaient autrefois l'habitude de tout faire ou presque (marketing, prospection, conseil, négociation, devis, suivi technique, etc.). Aujourd'hui, elles peuvent se concentrer sur la gestion des comptes, qui consiste essentiellement à conseiller les bons produits aux différents distributeurs et partenaires, mais bien sûr aussi sur le contact physique avec les nouveaux clients potentiels.
5. Fonctionnement : dans son fonctionnement, toute entreprise doit tenir compte des coûts, de la fiabilité vis-à-vis de la clientèle et du modèle interne qui doit être en mesure de garantir un bon produit. Ces trois aspects sont inextricablement liés. Si vous visez une fiabilité élevée, vous devez disposer de stocks importants. Et cela entraîne des coûts plus élevés. C'est pourquoi nous traduisons cela par 'balancing the supply chain' (achat des composants, gestion des stocks, déploiement de personnel, etc.). Nous fixons des paramètres pour la durée d'une livraison, les délais de production, les QMC, etc.). Nous ne voulons pas être le meilleur partenaire, mais le plus fiable, aujourd'hui comme demain. La moyenne du secteur en matière de livraison est de 7 semaines, mais nous avons adapté notre modèle de sorte que 94 % de nos produits parviennent au client en moins de 4 semaines. Aujourd'hui, nous avons progressé au point que 87 % de nos produits sont livrés à nos clients dans les 7 jours ouvrables, 91 % dans les 14 jours ouvrables et 94 % dans les 4 semaines.

D'un modèle Make To Stock à un modèle Assemble To Order – Moins d'UGS pour un chiffre d'affaires plus élevé

"100 % des produits sont assemblés ici dans notre usine, car nous avons amené la réutilisation et la modularité à 70 %. Chaque nomenclature présente donc 70 % de composants qui sont utilisés dans d'autres familles de produits. Avec le site que nous avons construit avant la crise financière, qui s'étend sur un hectare, nous avons pu atteindre 40 millions d'euros dans le cadre du modèle Make to Stock. Avec le modèle Assemble to Order, la réutilisation des composants et une chaîne d'approvisionnement équilibrée, nous pouvons grimper jusqu'à 60 millions (contre 45 millions aujourd'hui). Le nombre de composants gérés dans le PGI s'élevait à 28.000 – il est aujourd'hui de 34.000. Mais le nombre d'unités de gestion des stocks, qui était de 3.800 dans le passé, a été ramené à 2.700, ce qui représente une augmentation considérable du chiffre d'affaires", clarifie-t-il.

Maeyens étaye sa thèse en expliquant que le nombre de personnes travaillant dans la logistique et l'expédition est resté le même, alors qu'elles effectuent 70 % d'opérations en plus par rapport à il y a 5 ans. Ce résultat n'est possible que grâce à des degrés élevés d'efficacité, d'automatisation et de numérisation, fermement soutenus par une équipe de haut niveau et flexible, qui réfléchit, planifie et ne se contente jamais du statu quo. L'entreprise est en outre en train d'évoluer vers un modèle de gestion sans papier et un système d'emballage entièrement automatisé.

Maeyens est un fervent adepte de la méthode Kaizen, qui consiste à apporter des améliorations en continu. Tout est mesuré, converti en paramètres et également partagé. Chaque processus, chaque fournisseur, chaque client et chaque employé rapporte, connaît et partage où et dans quel processus les indicateurs sont allumés ou des suggestions sont faites pour réduire encore davantage le coût de la non-qualité.

Le PGI comme colonne vertébrale pour la GIP, le WEB, les EDO, la GAN... tous les processus intégrés et dans le cloud 

"Le PGI constitue la colonne vertébrale de l'entreprise numérique dans le cloud", affirme Bart. "Il se traduit dès lors par 1 source unique de pensée, visuellement, et selon l'objectif, l'utilisateur et les droits par la Gestion de l'Information Produit, la Gestion des Actifs Numériques, les Entrepôts de Données Opérationnelles, et les portails WEB."

Notre hôte apporte quelques précisions au sujet de l'intégration des processus numériques : "En outre, tous nos processus ne sont plus des silos séparés. Ils font simplement partie du concept d'Idea 2 Market. Nous commençons toujours par l'Idéation avec nos partenaires et, en interne, nous les filtrons en phase de conception et nous effectuons une vérification de l'ADN de Modulat. Tout – NPLD, simulations 3D et lancement dans le monde réel – est réalisé en interne. Les métadonnées et les actifs sont tous adaptés à nos processus de production et de mise sur le marché."

Un Capricorne avec une âme d'artiste, shooté au son de Rammstein, mais aussi pêcheur solitaire dans le calme le plus total 

Maeyens, un Capricorne de 45 ans, ingénieur en électromécanique de formation, a débuté sa carrière en tant que développeur de produits, puis a rapidement pris en charge toutes les missions de personnalisation spéciales au sein de la division ingénierie, entrant ainsi en contact avec les services commerciaux et les clients, ce qui lui a rapidement permis de saisir l'opportunité de prospecter du côté de clients plus importants et plus rentables en quête de grandes séries spéciales (Hugo Boss, Lamborghini, Diesel, G-Star).

En 2008, il s'est lancé dans les exportations vers l'Asie, et donc dans la vente pure et dure, sans aucun lien avec l'ingénierie. Au fil du temps, il a constaté que Modular était devenue une entreprise axée sur les ventes, tandis que l'ingénierie et l'innovation restaient à la traîne. En 2011, il a donc pris la décision de se concentrer sur la création de nouveaux produits, en commençant par la révolution LED. En 2014, il est devenu General Manager chez Modular.

À première vue, rien ne laisse supposer que derrière ce style vestimentaire à la fois sobre et artistique se cache un ingénieur passionné qui perpétue l'ADN créé par ce concepteur visionnaire qu'était Rommens au sein d'une entreprise de production structurée et guidée par des modèles de l'avenir.

"Après une carrière de football fantastiquement amusante, j'ai aujourd'hui un genou fantastiquement fichu… Je suis donc à présent obligé de choisir entre la natation et le vélo – la peste et le choléra !", lance-t-il en plaisantant. Maeyens recharge souvent ses batteries en écoutant ce groupe aussi théâtral que 'heavy' qu'est Rammstein, mais il lui arrive aussi régulièrement de se déconnecter du quotidien en disparaissant seul dans le néant, pour aller pêcher le long de berges ou de côtes où personne d'autre que lui ne s'aventure. Il sait en outre apprécier le plaisir régressif que procure une bonne assiette de boulettes-frites préparées maison et avec amour. Mais la région de Roulers le séduit également grâce à ses nombreux grands chefs cuisiniers, dont il peut régulièrement déguster les délices culinaires en savourant un excellent Chiraz du Languedoc à la magnifique robe rouge foncé.