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Anglo Belgian corporation : L'éléphant qui fait bouger les lignes

22-05-2025

Auteur: Karl D’haveloose

 

 

 

 

 

Quand on parle de gigantisme, absolument tout ce qui se trouve dans l'atelier d'ABC Engines (div. Anglo Belgian Corporation) correspond parfaitement à la norme : moteurs, bancs d'essai et de mesure, machines et ponts roulants hauts de plusieurs étages, tant aériens que souterrains, etc. Ceux qui pensaient que les éléphants se déplaçaient toujours lentement et renversaient généralement les objets en porcelaine sur leur passage se trompaient lourdement. Cela dit... lorsqu'ils se déplacent, les meubles tremblent jusque chez leurs concurrents. C'est en tout cas la sensation qui m'est restée après avoir visité l'entreprise et dégusté un expresso en compagnie de Tim Berckmoes (ci-après TIMB), le CEO d'Anglo Belgian Corporation.

 

 

Lorsque l'on évoque la question de l'industrie lourde et la construction de machines en Belgique, on a toujours l'impression qu'il s'agit d'un patrimoine historique obsolète, qui n'existe encore que grâce à des subsides. Cette interview vous fera donc peut-être réfléchir un instant à la manière dont une entreprise familiale belge (Holding OGEPAR), active dans la construction de moteurs lourds depuis 1912, est parvenue à résister à toutes les tempêtes. Grâce à la recherche, à l'innovation et à l'intégration verticale, l'entreprise est aujourd'hui devenue un géant mondial et particulièrement agile dans le segment des moteurs multicarburants destinés aux domaines de la marine et de la traction ferroviaire, ainsi qu'à la production d'énergie pour les centrales électriques. Oui, cet éléphant a bel et bien quitté la pièce et la porte de la cuisine en tremble encore !

 

Quel type d'entreprise est ABC Engines et combien de personnes emploie-t-elle ? À l'origine, il s'agit d'un fabricant de moteurs à combustion interne, qui fonctionnaient initialement au gaz, puis au diesel et, aujourd'hui, également au méthanol et à l'hydrogène. Sur le site du Wiedauwkaai à Gand, où nous nous trouvons actuellement, la société emploie 420 personnes (sur les 2.200 qui travaillent pour le groupe ABC). Le chiffre d'affaires réalisé ici s'élève à 170 millions d'euros (sur les 600 millions d'euros enregistrés au niveau de l'ensemble du groupe). Chaque année, 90 % du flux de trésorerie généré est réinvesti dans la croissance organique de l'entreprise ainsi que dans d'éventuelles acquisitions.

 

 

Pas plus tard que l'année dernière, le groupe a racheté un fabricant suisse de catalyseurs et de filtres à particules. Le groupe dispose de ses propres fonderies, qui sont au nombre de trois, ainsi que de sa propre usine de turbocompresseurs en Allemagne. ABC poursuit ses efforts d'intégration ascendante comme descendante. Ainsi, 90 % de la valeur ajoutée est aujourd'hui produite au sein du groupe. Le groupe assure également la gestion de sa propre chaîne d'approvisionnement en Europe.

 

Le marché ? C'est très compliqué...

ABC n'a absolument aucun concurrent dans un rayon de 700 km. La seule concurrence à laquelle elle doit faire face sur le territoire européen est celle de MAN, en Allemagne, et de Wärtsilä, en Finlande. Au-delà des frontières de notre continent, il y a bien sûr aussi Hyundai, sans oublier la Chine, qui est toujours aux aguets. TIMB rappelle au passage qu'il y a un siècle, il y avait pas moins d'une centaine de constructeurs de moteurs rien qu'aux Pays-Bas, mais qu'aujourd'hui, il n'en reste plus un seul.

 

 

"Chaque jour, ABC déploie des efforts stratégiques visant à consolider sa position, notamment face à la diversification technologique des marchés. Nous sommes actifs dans 5 segments stratégiques. Cela nous rend très agiles et nous a permis de ne connaître aucun jour de chômage technique au cours de ces 20 dernières années (y compris durant la pandémie de Covid-19). 50 % des ventes sont réalisées dans le secteur maritime et 30 % dans le secteur de la génération d'énergie nucléaire et thermique. Et enfin, les locomotives et les groupes de pompes (pour l'extraction du pétrole, entre autres) représentent chacun 10 % des ventes."

 

Le secteur maritime comprend également la Défense, qui est en pleine expansion. L'année dernière, ABC a ainsi remporté un appel d'offres pour la fourniture de 36 moteurs destinés à 12 chasseurs de mines belges et néerlandais. Aujourd'hui, on parle également de la possibilité d'intégrer des moteurs dans les nouvelles corvettes européennes. Les moteurs pour les groupes électrogènes de secours dans les centrales nucléaires et les moteurs à méthanol suivent eux aussi une tendance à la hausse.

 

Politique d'innovation européenne vs belge : Show me the money, honey!

Rien n'est gratuit en ce bas monde. Pour pouvoir innover, les entreprises manufacturières doivent donc elles aussi mettre la main au porte-monnaie. Les nouvelles technologies, telles que le méthanol et l'hydrogène, nécessitent d'importants budgets initiaux pour tout ce qui touche à la recherche. TIMB cueille l'occasion pour saluer le travail de Vlaio, qui encourage la recherche de manière beaucoup plus proactive et n'hésite pas à s'engager financièrement. "Les projets subsidiés par l'Europe ont tous l'air d'être très intéressants, mais ils prennent beaucoup de temps, coûtent des fortunes en consultants et, après des années de paperasserie, l'innovation des PME ne s'en retrouve généralement pas très avancée. Nous avons donc cessé d'y investir notre argent et notre énergie."

 

 

TIMB maintient ce qu'il avait déclaré lors du débat 'Make Europe Great Again', qui s'était tenu à Machineering 2025 (voir ici). L'Europe s'est peut-être réveillée en termes d'idées sur la manière de faire les choses, mais le délai entre la prise de conscience et le passage à l'action est tout simplement trop long. Le rapport Draghi est une véritable mine d'idées, mais ces idées ne sont toujours pas mises en pratique à l'heure actuelle. La transition énergétique à grande échelle vers le nucléaire et l'hydrogène, entre autres, en plus du solaire et de l'éolien, est une priorité absolue. Mais l'Europe fait figure de colosse aux pieds d'argile dans ce contexte.

 

"Une étude a récemment été réalisée avec SDR Flanders sur les besoins en énergie de la seule zone du canal de Gand (où l'on retrouve également ArcelorMittal et Yara). Si l'on veut alimenter tout ce qui s'y trouve, allant des camions aux hauts-fourneaux, sans énergie fossile, notre zone a besoin à elle seule de 30 réacteurs nucléaires."

 

L'opportunisme est l'opportunité

"Vu l'incertitude qui règne en Europe, l'impasse dans laquelle les États-Unis se trouvent suite au passage de la politique de l'America First à celle de l'America Only, et l'Asie qui ricane en voyant tout cela, les entreprises du secteur manufacturier n'ont plus d'autre choix que de se montrer plus opportunistes", explique TIMB.

 

ABC a ainsi saisi l'opportunité de vendre des pièces fabriquées dans ses 3 fonderies à des entreprises telles que John Deere. En termes de productivité et d'automatisation, nos fonderies européennes sont bien plus en avance que celles des États-Unis. Malgré les droits de douane, le marché intérieur n'est malheureusement pas encore prêt à accélérer l'innovation sur le marché de la fonderie à lui tout seul. En revanche, nous recevons de nombreux appels de nouveaux clients qui sont dans tous leurs états à cause des droits de douane européens sur les moteurs en provenance des États-Unis et qui demandent maintenant à revenir à la table des négociations.

 

Contrairement aux États-Unis qui n'optent pas pour l'éolien en mer, l'Europe le fait. Les principaux acteurs du secteur de l'énergie souhaitent réellement passer à des énergies renouvelables telles que l'énergie éolienne. Alors que les États-Unis et la Chine se disputent la même par du gâteau, nous, les outsiders européens, avons la possibilité de choisir les meilleurs morceaux.

 

"La tendance séculaire à évoluer vers les énergies alternatives se poursuit également en Europe, bien que l'offre et l'infrastructure ne soient pas conçues pour répondre à l'augmentation des besoins en énergie. Il y a donc de fortes chances qu'au cours de cette transition, des générateurs d'électricité supplémentaires soient installés dans de nombreuses zones industrielles, même si ceux-ci utilisent des énergies fossiles. De nombreuses opportunités s'offrent donc à nous."

 

Investir dans un avenir décarboné, dans l'agilité et la résilience et dans les modèles de services numériques

Récemment, une coentreprise a été créée avec le groupe maritime CMB.TECH. Son objectif : développer des moteurs à combustion fonctionnant à 100 % à l'hydrogène, et ce sans subsides (pour l'instant). Donc, pas d'hydrocarbures, pas de particules, pas de NOX, ni de CO2. Les deux entreprises investissent ainsi dans le cadre de leurs objectifs respectifs : CMB.TECH y gagne des navires à hydrogène, tandis qu'ABC fournit la preuve que les moteurs à combustion à pistons constituent la solution idéale pour les moteurs à hydrogène aussi. Les principaux défis à relever à l'heure actuelle sont le coût de revient de l'hydrogène et son stockage.

 

 

Avec 1 mégawattheure, vous pouvez produire 17 kilogrammes d'hydrogène. Supposons que 1 mégawattheure vous coûte 170 euros. Votre seul coût de production s'élève dans ce cas déjà à 10 euros. Si l'on ajoute à cela les différents coûts liés à la logistique et au stockage, on arrive rapidement à 23 euros par kilogramme. Cette solution revient donc 10 fois plus cher que l'équivalent en diesel (0,8 euro/kg), étant donné qu'un kilo de H2 contient 3 fois plus d'énergie qu'un kilo de diesel. En Europe, il n'existe actuellement aucune étude d'opportunité allant dans le sens de ce type de projet. Au Japon, en revanche, le gouvernement investit massivement dans cette technologie. Il subsidie les 'contrats pour la différence' et prend ainsi à sa charge le surcoût lié à l'utilisation de l'hydrogène au lieu du carburant fossile.

 

ABC continue cependant d'investir dans ce domaine, non seulement pour devenir un précurseur lorsque les marchés changeront dans un avenir proche, mais aussi parce que ce type d'investissement attire de nombreux jeunes loups férus de technologie sur son site. En termes d'image de marque, cet éléphant centenaire est donc aussi tendance qu'une jeune biche.

 

 

En termes d'innovation, d'énormes investissements ont été réalisés dans le développement de produits, de nouveaux carburants, des actifs supplémentaires et l'agrandissement des espaces de production. Les bases pour commencer à investir dans les nouvelles technologies de production, l'automatisation et la numérisation sont désormais posées. Les nouveaux halls abriteront une nouvelle ligne d'assemblage. L'objectif est de réduire les délais d'assemblage et de cycle de 30 % grâce à de meilleurs outils numériques, à un approvisionnement par VGA et à d'autres formes de robotisation. Des machines CNC supplémentaires seront également installées. ABC a aussi son propre projet d'accélérateur, qu'elle mène en collaboration avec Sirris et Flanders Make.

 

 

Pour ce qui est des plateformes, le PGI joue un rôle de catalyseur pour le logiciel de pilotage de la production et le logiciel de gestion du cycle de vie, que ce soit au niveau de l'atelier ou au niveau des produits mêmes. Actuellement, la sécurisation de l'ensemble de l'atelier contre les cyberattaques est une priorité absolue. En tant qu'entreprise fournissant des produits dans des secteurs critiques, tels que la Défense et le nucléaire, les jumeaux numériques et les services de maintenance conditionnelle sont indispensables. La numérisation va un peu plus loin dans le modèle de revenu économique, puisqu'elle optimise la consommation, les itinéraires, la maintenance et autres pour les clients.

 

UN PARTENARIAT INDUSTRIEL D'ACTIFS ET D'EXPERTISE DANS UN PARC DE TECHNOLOGIES PROPRES

Pour ABC, la stratégie à long terme est on ne peut plus claire. Celle-ci consiste à consolider sa position grâce à l'intégration et aux acquisitions au sein de la chaîne d'approvisionnement, à poursuivre sa croissance organique sur les marchés existants, tels que la Défense, le nucléaire, le pétrole et le gaz, tout en investissant pour devenir un véritable chef de file sur les marchés en plein essor. Dans ce contexte, si ABC a prévu de procéder à quelques acquisitions, elle a également de grands projets au niveau de son site actuel et envisage aussi la possibilité de collaborer avec d'autres partenaires. Le site actuel est équipé de ponts roulants géants, de fraiseuses à portique, de bancs d'essai et de mesure 3D, d'un espace de stockage pour l'hydrogène et le méthanol – autant d'atouts dont les autres entreprises du secteur et les jeunes pousses du monde de la technologie ne peuvent que rêver.

 

 

Le site s'est aujourd'hui étendu à 14 hectares au cœur du port de Gand, incluant l'ancien site de Vynckier, patrimoine industriel historique de 5 x 5.000 m² de niveaux constructibles. Le magnifique bâtiment Manchester de 1910 pourrait bien être l'endroit idéal pour la création d'un campus de formation pour les secteurs de la fabrication et de la technologie (entre autres).

 

Berckmoes : a little less conversation, a little more action

Tim Berckmoes. Numéro de châssis : Gand 30/06/1971. Modèle : Cancer. Formation : ingénieur civil. Le CEO vit à l'extérieur de Sint-Lievens-Houtem et balance du Queen pour se motiver lorsque de grosses commandes doivent être honorées. Il se relaxe ensuite au son plus soft de Simon & Garfunkel. Pour garder la forme, il combine vélo et crossfit, ce qui le rend à la fois agile et résistant.

 

 

Côté table, Berckmoes se contente de plats tout simples, comme une belle côtelette accompagnée de délicieuses frites. Berckmoes est moins un philosophe et un rêveur qu'un homme d'action. Son credo est d'ailleurs aussi bref que percutant : 'Make it happen !'

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