Auteur: Karl D’haveloose
Le développement du secteur de la remanufacture s'inscrit dans le scénario global d'une industrie automobile qui se retrouve dans une situation plus complexe que jamais. Parmi les difficultés rencontrées, citons la rareté des matières premières et la congestion des chaînes d'approvisionnement. Dans ce contexte, l'objectif ultime des processus de révision est de donner une nouvelle vie à des pièces qui, autrement, seraient arrivées au terme de leur cycle de vie. À cet égard, il existe d'ailleurs des similitudes avec le principe du recyclage. Il convient toutefois de noter que la remanufacture offre potentiellement des avantages encore plus importants, étant donné qu'il n'est pas nécessaire de détruire un objet et de le reconstruire à partir de rien, avec toute la consommation d'énergie que cela implique. Au lieu de cela, il suffit de réparer entièrement un composant électrique en remplaçant uniquement les petites pièces qui sont effectivement défectueuses.
La remanufacture présente, au minimum, les avantages suivants :
Le résultat du processus est un produit fini qui conserve la même valeur et les mêmes caractéristiques que le produit d'origine.
L'utilisation de nouveaux matériaux et de nouvelles ressources est réduite au minimum, ce qui se traduit par une diminution des besoins en matières premières et des déchets à traiter.
Les phases de production requièrent nettement moins d'énergie que pour une pièce neuve.
Outre la multitude d'avantages qu'elles présentent, les ambitions en matière de remanufacture s'accompagnent naturellement de certains aspects délicats et complexes. L'identification du problème de la pièce défectueuse est probablement l'aspect le plus crucial. L'ensemble de la phase de démontage nécessite l'intervention d'une personne qualifiée, car chaque pièce défectueuse a sa propre histoire et ses propres causes de dysfonctionnement.
Marketing de la durabilité industrielle et de l'engagement humain
D'autre part, de telles ambitions offrent aussi d'excellentes opportunités de marketing pour promouvoir une opinion publique positive. La somme de la composante sociale résultant de la revalorisation du travail humain et de l'impact environnemental positif représente une incitation importante pour une industrie qui a souvent du mal à se forger une image positive auprès du public sans courir le risque de retomber dans l'écoblanchiment de bas étage.
La pratique de la remanufacture est déjà largement répandue dans l'industrie automobile. Les constructeurs (BMW, Volvo, Mercedes, Audi et autres) ainsi que certaines grandes marques d'accessoires et de pièces détachées (telles que Bosch, Denso, etc.) se sont déjà engagés dans cette voie depuis un certain nombre d'années. Certaines entreprises se sont même spécialisées dans les pièces détachées remanufacturées (comme p. ex. Remante Group en République tchèque). Cela entraîne également une forte concurrence autour de ce type de pièces détachées, ce qui complique encore plus la recherche et l'occupation de la bonne position sur le marché.
L'imprévisibilité du secteur de la remanufacture fait qu'il est extrêmement difficile de choisir une stratégie de prix avant d'avoir rassemblé suffisamment d'informations.
Aperçu des coûts
Un article très intéressant que Thomas Vandenhaute a publié sur le blog de Sirris nous apporte de précieuses informations à ce sujet. L'auteur indique qu'au début d'une étude d'opportunité portant sur la remanufacture, les éléments suivants doivent être pris en compte afin de pouvoir élaborer un modèle de coûts. Il a notamment rappelé que les coûts inconnus et invisibles sont des facteurs cruciaux dans la phase de réflexion. Cela n'empêche toutefois pas que les trois principaux éléments à prendre en compte dans votre analyse de rentabilité soient le prix de vente, le prix d'achat des produits en fin de vie (aussi appelés ‘cores’) et les coûts opérationnels liés à la remise à neuf (tels que l'inspection, le nettoyage, le démontage, l'entreposage, etc.), qui devraient fournir une première estimation de la faisabilité d'un tel projet.
Coûts connus
Le coût total de la remanufacture correspond à la somme des coûts associés à une multitude d'activités sous-jacentes. La compréhension de ces coûts contribuera à déterminer la faisabilité économique de votre projet de remanufacture.
Commencez par les coûts que vous connaissez déjà ou sur lesquels vous avez un certain contrôle. Séparez les coûts de la logistique et de l'approvisionnement en produits en fin de vie des coûts opérationnels nécessaires pour que le produit puisse être de nouveau commercialisé.
Ensuite, quid des coûts liés à la main-d'œuvre, aux pièces, au nettoyage, à l'inspection, etc. ? Il est possible de procéder à une estimation, car vous avez bien une idée plus ou moins précise de l'ordre de grandeur de ces coûts. Lors d'une première itération, une estimation des coûts reposant sur l'intuition (l'expérience et l'expertise du personnel) peut suffire.
L'étape suivante consiste à estimer ces coûts avec davantage de précision. Pour ce faire, dressez la liste des activités et des coûts analogues à ceux de vos activités actuelles d'assemblage et de production. Il est préférable d'estimer séparément les coûts des matériaux des pièces que vous réutiliserez dans le cadre de la remanufacture. Ceux-ci sont en effet susceptibles de varier en fonction de l'état et de la qualité du produit entrant.
'Nouveaux' coûts
Les véritables 'nouveaux' coûts sont liés au nettoyage, à l'inspection et au traitement des déchets, en particulier si vous devez vous débarrasser de matériaux dangereux ou polluants. Songez notamment aux huiles et hydrocarbures, aux fluides frigorigènes, aux toners ou encore aux matériaux contenant des additifs toxiques.
Le nettoyage représente généralement le principal coût supplémentaire. Demandez-vous quand il convient de procéder au nettoyage : avant ou après le démontage ? Ou seulement au terme de tout le processus de remanufacture ? Ou peut-être est-il préférable de combiner ces différentes options ? Si vous possédez déjà une certaine expérience en matière de processus de nettoyage (dégraissage, sablage, désenrobage, etc.), vous serez certainement plus à même d'en estimer les coûts. Vous pouvez également demander des informations aux fournisseurs de matériel de nettoyage ou à d'autres entrepreneurs.
Quels déchets le nettoyage et le démontage des produits entrants engendrent-ils ? Il vous faudra ici procéder à une estimation de leur poids, exprimé en tonnes par an ou en kilogrammes par produit. À ce stade, une estimation approximative des coûts suffira : poids x coût de leur élimination et de leur traitement. Votre coordinateur environnemental devrait être en mesure de vous fournir un prix indicatif pour l'enlèvement et le traitement des déchets.
Il est important de procéder à l'inspection et à la validation à un stade précoce du processus de remanufacture. Dans la plupart des phases de démarrage, ces opérations peuvent être effectuées manuellement, ce qui permet certes de gagner en flexibilité, mais demande aussi plus de temps. Veillez donc à vous assurer de la nécessité ou non de disposer de certains équipements d'essai et d'inspection spécialisés (qui, ne l'oubliez pas, sont coûteux).
Pour calculer les autres coûts, nous devons adopter une approche différente. Dans l'exemple ci-dessous, nous partons de l'hypothèse que les coûts opérationnels sont raisonnablement connus, mais que les coûts liés à l'acquisition des produits en fin de vie ne le sont pas.
Pour déterminer le montant que vous pouvez consacrer à l'achat de produits en fin de vie, il vous suffit d'effectuer un petit calcul très simple.
Si la valeur ainsi obtenue est très faible, voire négative, il vous faudra adapter votre concept de remanufacture. Si la valeur est positive, vous devez déterminer la marge que vous souhaitez appliquer. Une marge importante implique un risque faible, mais se traduit par une flexibilité réduite lors de l'achat de produits en fin de vie (et vice versa). Lors d'une étape ultérieure, vous pourrez (tenter) de vous procurer des produits en fin de vie dans la fourchette de prix que vous aurez définie.
Si vous avez une bonne idée des coûts d'approvisionnement en produits en fin de vie, mais pas des coûts opérationnels, vous avez également la possibilité de suivre la logique décrite plus haut. Commencez par réunir les coûts connus qui vous permettront de déterminer par calcul si vous disposez d'une marge de manœuvre suffisante pour absorber les coûts manquants et dégager une marge bénéficiaire satisfaisante.
Le schéma ci-dessous reprend toutes les combinaisons possibles. En résumé, le consentement à payer doit être nettement supérieur à la somme des coûts d'approvisionnement en produits en fin de vie et des coûts opérationnels. En attendant de pouvoir discuter plus en profondeur de la remanufacture dans le cadre du salon Machineering 2025, nous vous souhaitons bonne chance dans vos démarches.