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Le virage de la fabrication (4/4) - L'économie de la chaîne de valeur

06-07-2021

Dans ce quatrième et dernier volet de notre série d'articles intitulée "The Exponential Shift of Manufacturing", nous allons nous intéresser de plus près à la dernière pièce du puzzle nécessaire à une véritable disruption sous-jacente des modèles d'entreprise du secteur manufacturier. Nous allons également vous résumer ce qui a été expliqué auparavant. Ceux qui ont lu nos articles précédents savent déjà comment les modèles d'entreprise peuvent évoluer de la capture de la valeur à la création de valeur. Les nouvelles technologies et la numérisation, les nouveaux types de clients et les nouveaux critères de produits entraînent des disruptions très rapides des anciens modèles commerciaux. Les douves (moats) que les superpuissances industrielles en place ont creusées afin de se protéger de leurs concurrents sont aujourd'hui ébranlées par de nouveaux acteurs du marché de moindre envergure. Grâce à leur supériorité en matière de créativité et de technologie, ces nouveaux-venus sont en mesure de faire participer le client à la conception du produit, et ce de manière plus rapide et moins coûteuse. En outre, ils génèrent des revenus réguliers en intégrant des fonctions intelligentes supplémentaires et en apportant une valeur ajoutée à leurs produits.

 

Dans ce dernier volet, nous allons donc analyser la nouvelle définition donnée à la chaîne de valeur d'une entreprise manufacturière. La pandémie de COVID-19 a tout simplement agi comme un accélérateur de tendance pour la dissolution sous-jacente des chaînes de valeur obsolètes. Les technologies numériques raccourcissent de plus en plus la distance qui sépare le producteur du client, tout en réduisant le nombre d'intermédiaires. Les fabricants traditionnels sont trop éloignés du client final. Leurs marchandises sont achetées par des importateurs, qui les fournissent souvent via des grossistes locaux. Ces grossistes gardent les articles en stock et sont spécialisés dans la livraison rapide aux détaillants, qui approvisionnent à leur tour le client final. Mais le nouveau client numérique veut avoir un contrôle total de la situation lorsqu'il clique sur le bouton de commande.

 

Cette déconnexion entre le fabricant et le client ne peut plus être justifiée par un distributeur dont le modèle économique consiste à stocker et à distribuer un produit. Tout 'intermédiaire' devra donc créer une valeur responsable en aidant et en informant plus rapidement et mieux le client final, en proposant différentes configurations de produits, en réduisant le délai entre le prototypage et la réalisation du produit, ou en passant d'un modèle 'build-to-stock' à un modèle 'build-to-order' (précommande).

 

 

Des start-ups comme Warby Parker ont bien compris ce principe et l'ont donc rapidement mis en œuvre. En 2010, Luxottica Group contrôlait plus de 80 % du marché des lunettes de marque. Le groupe était impliqué à tous les niveaux : production, distribution, commerce de détail et assurance. Cette entreprise a multiplié par 20 le coût de production départ usine pour fixer ses prix de vente au détail. Voici donc ce que Neil Blumental de Warby Parker a déclaré sans ambages : “We were tired of radically overpaying for eyeglasses. It didn’t make sense to us that a pair should cost as much or more as an iPhone; glasses were invented more than 800 years ago and don’t contain rare minerals or state-of-the-art technology.”

 

Warby Parker conçoit toutes ses montures en interne, commande les pièces auprès des fabricants de montures, et assemble elle-même toutes les pièces, que le client peut sélectionner via le module de configuration en ligne. Le consommateur peut assembler jusqu'à 5 modèles et les tester gratuitement pendant 5 jours, sans l'intervention d'un opticien ou d'un magasin. Après tout, les magasins, les stocks et le personnel coûtent beaucoup d'argent et ne servent qu'à gaspiller de l'argent pour de nombreux produits.

 

Les consommateurs sont impliqués et engagés dans la production et, si nécessaire, ils investissent dans le projet via un système de financement participatif (crowdfunding). De plus en plus de jeunes pousses produisent des montres, des smartphones et d'autres appareils électroniques coûteux en se basant sur des modèles uniques mais personnalisables. Ils recherchent des financements auprès d'un public engagé plutôt qu'auprès des banques. Les grands acteurs du marché peuvent quant à eux bouger leurs pions sur l'échiquier en raccourcissant le délai entre l'idée et la commercialisation. En Chine, on appelle cela 'Shenzhen Su' ou la rapidité de Shenzhen. Pour ne citer qu'un exemple, la vitesse à laquelle les Asiatiques sont parvenus à commercialiser une idée comme la SoloWheel, qui vient d'être lancée aux États-Unis, en différentes versions, est tout simplement hallucinante.

 

 

Le modèle 'build-to-stock' doit donc faire place au modèle 'build-to-order'. Lorsqu'ils définissent leur chaîne de valeur, la plupart des fabricants tiennent compte des stocks qui doivent être créés chez chaque fournisseur et distributeur avant de pouvoir lancer la production proprement dite. Ce n'est que plus tard que la commercialisation du produit suit. De plus en plus de micro-marques commercialisent leurs produits bien avant la production de ces derniers grâce à un système de précommande. Les clients choisissent le modèle souhaité, versent un acompte, reçoivent une estimation de la date de livraison et attendent ensuite patiemment que le produit arrive dans leur boîte aux lettres.

 

 

 

Xiaomi est un exemple de licorne à croissance rapide. Presque chaque semaine, la marque bombarde ses clients en ligne de messages présentant de nouveaux modèles de produits personnalisés et proposant des ventes flash en précommande. Le groupe reçoit d'énormes quantités de commandes avant de commencer à commander lui-même des pièces ou de devoir constituer des stocks importants. Les acteurs établis, tels que Sony, commercialisent quant à eux régulièrement de nouvelles séries limitées, ainsi que des mises à niveau via des opérations de précommande.

 

Pour reprendre les mots de Lei Yin, cofondateur de Xiaomi : “Competition used to be a marathon; you only needed to know how to run. Now the game is an Ironman triathlon. To compete, a company must offer great hardware, software, and Internet services.”

 

Au final, ce qu'il faut absolument retenir de cette série d'articles sur le thème 'The Exponential Shift of Manufacturing', c'est que le secteur de la fabrication est en train de faire entièrement peau neuve en ce moment même. Dans de nombreux cas, la valeur ne réside plus dans le produit lui-même, mais plutôt dans les services supplémentaires et les expériences qui y sont liés (from object to experience/solution).

 

Les nouveaux produits, les nouvelles technologies de fabrication et les nouveaux consommateurs conduisent à la création d'une chaîne de valeur dans laquelle la valeur doit être créée à un coût beaucoup plus faible qu'auparavant. Les fabricants doivent prendre des décisions coûteuses et complexes pour savoir où et comment investir pour trouver une valeur ajoutée. Toute entreprise manufacturière qui prend conscience de ce qui se passe sous la surface doit impérativement se pencher sur les quatre points suivants :

  • De combien de temps aurai-je besoin pour m'adapter de manière suffisamment rapide (complexité du produit, dimension du produit, technologies de fabrication et de conception, réglementation et degré de numérisation du produit et du marché).
  • Gardez un œil sur les modèles économiques les plus performants dans votre secteur et essayez de faire partie de leur écosphère.
  • Cherchez des opportunités de croissance en utilisant les leviers nécessaires (plateformes de partenariat, communautés, etc.).
  • Identifiez les sphères d'influence adéquates (connaissances, licences, IP, etc.) et positionnez-vous en leur sein.

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