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Subcontracting 4.0 : un débat autour des sous-traitants disruptifs sur le plan numérique, des nouvelles règles du jeu nécessaires à la survie et des virages trop serrés pris trop rapidement

25-04-2024

Auteur: Karl D’haveloose

 

 

 

 

Aussi troublant qu'ait pu être le sous-titre du débat 'Subcontracting 4.0' organisé dans le cadre du salon D2M 2024 (qui s'est tenu le mois dernier), le nombre de participants et le taux d'occupation des sièges n'en ont été que plus élevés. Pour ceux qui ne seraient pas encore au fait des événements, précisons que nous parlons ici du salon Design2Manufacturing, où la question de l'avenir (sombre) de la sous-traitance industrielle a été abordée en détail en compagnie de Carl Berlo, CEO de 247TailorSteel, une des entreprises connaissant la croissance la plus rapide et pouvant être considérée comme la plus disruptrice dans l'industrie métallurgique du Benelux. Ceux qui souhaitent voir la vidéo de ce débat de 60 minutes avec Carl Berlo et le modérateur Karl D'haveloose peuvent le faire en cliquant ici.

 

 

Aujourd'hui, 247TailorSteel découpe au laser et plie des tôles en toutes sortes de métaux sur 6 sites (1 en Belgique, 3 en Allemagne et 2 aux Pays-Bas), à l'aide de systèmes hautement automatisés (et numérisés), et ce 24 heures sur 24. Berlo compare son entreprise à Bol.com, où l'interaction avec les fournisseurs et les clients se fait en grande partie par voie numérique, via une plateforme en ligne.

 

Les clients surfent sur le portail que l'entreprise a elle-même développé en interne, y téléchargent leurs projets et leurs quantités, et obtiennent ainsi un devis dans un délai maximum de 60 secondes. Par la suite, les clients ont bien sûr la possibilité d'apporter des modifications au niveau des formats et des quantités. Ils peuvent également opter pour une livraison très rapide (48 heures) ou une livraison plus tardive. À l'heure actuelle, l'entreprise dispose de 90 lasers et d'une soixantaine de plieuses.

 

Depuis l'année dernière, on assiste à un changement de cap du côté des grands clients. Ceux-ci veulent en effet de meilleurs délais, de meilleurs accords et une plus grande fiabilité de la part de la chaîne d'approvisionnement, et donc aussi de 247TailorSteel. C'est pourquoi, une trentaine de personnes sont à présent actives dans la vente sur le terrain, pour négocier des accords détaillés et personnalisés avec les clients en fonction des différentes régions. Depuis le premier trimestre 2024, 2.500 nouveaux clients ont créé un compte sur le portail (qui totalise actuellement 50.000 comptes, ce qui représente entre 3.000 et 4.000 devis par jour).

 

Les nouvelles ne sont pas toutes bonnes : l'Europe est en perte de vitesse dans les exportations mondiales et les prévisions de croissance organique pour 2024 sont peu réjouissantes

Pour pimenter le débat, Karl D'haveloose revient brièvement sur les prévisions peu encourageantes d'Agoria concernant les volumes à exporter/produire, plus particulièrement pour les constructeurs de machines et les métallurgistes.

 

  • La part de la Belgique dans les exportations européennes de composants technologiques vers les quatre coins du monde a connu une baisse systématique au cours des 22 dernières années (sauf pendant le boom de la pandémie), jusqu'à atteindre à peine 4,5 % au troisième trimestre 2023.
  • 2023 : la construction de machines (mechanical engineering) et la métallurgie industrielle (metal products) ont toutes deux enregistré une légère croissance au cours de l'année dernière (de respectivement 7,5 % et 2 %), mais uniquement en raison de l'augmentation des prix et non d'une croissance organique de la production.
  • Les prévisions pour 2024 ne sont guère meilleures. Une croissance négative de -2 % est prévue pour la construction de machines, à peine compensée par la répercussion de prix de vente plus élevés (3 %). Et pour l'approvisionnement de l'industrie en produits métalliques, une croissance de 4,5 % est prévue, mais là encore, celle-ci est principalement due à des augmentations de prix de 3 %.

 

Berlo développe ce point en précisant plusieurs choses. Les fabricants et les grossistes en tôles d'acier ont dû faire face à une baisse de 15 % des volumes commandés au cours du premier trimestre de l'année en cours. Le secteur lui-même s'attend à une légère augmentation des volumes, mais celle-ci ne devrait pas avoir lieu avant l'été. Il reste d'ailleurs aussi à espérer que les fournisseurs d'acier disposeront des réserves nécessaires pour compenser les pertes accumulées.

 

Les entreprises du secteur d'envergure plus modeste sont en vente ou à deux doigts de la faillite. On assiste de ce fait à une vague de consolidation du côté de plusieurs grands groupes, qui rachètent les petits fournisseurs en difficulté. Par ailleurs, l'argent n'est plus gratuit et les gouvernements ne vous aident pas à aller de l'avant sous perfusion. Berlo lance donc un avertissement très clair : ceux qui sont encore en activité aujourd'hui comme ils l'étaient il y a 5 ans ne tiendront malheureusement pas 5 ans de plus.

 

 

Le nombre de modèles de chaîne d'approvisionnement similaires à ceux utilisés par ASML est trop élevé et pose des problèmes

 

 

D'haveloose dévoile d'emblée le nombre de sous-traitants (3.000) dans les provinces du Brabant et de la Gueldre, qui dépendent en grande partie d'un seul équipementier, tel qu'ASML. Que se passera-t-il si les activités ralentissent au niveau de ce dernier ?

 

Berlo confirme qu'un grand nombre de sous-traitants de ces régions dépendent pour au moins 25 % des commandes passées par ASML. Bien que les carnets de commandes du constructeur de machines soient déjà bien remplis pour 2025 et au-delà, l'entreprise accuse un certain ralentissement cette année en raison d'une baisse des commandes à destination de l'Asie.

 

Pour l'instant, la région ne compte aucun acteur de premier plan dans le domaine de la construction de remorques ou de l'agro-industrie qui soit en mesure de compenser cette baisse temporaire de volume, car les activités dans ces secteurs vont elles aussi au ralenti depuis quelque temps. Et la situation n'est pas plus brillante dans le Benelux… et encore moins en Allemagne !

 

Un océan en pleine mutation (du bleu au rouge sang)

 

 

L'océan dans lequel nous nageons est devenu quelque peu moins bleu, légèrement plus rouge et un peu moins vaste. Mais certaines choses sont temporaires. Le marché de la transformation de la tôle en Belgique est actuellement estimé à 900 millions d'euros. Cette année, Berlo espère pouvoir y réaliser un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros. Pour l'instant, il s'agit d'une toute petite part du gâteau.

 

Ce que l'on peut aisément constater, c'est que les clients sont à la recherche d'acteurs fiables dans leur propre domaine d'activité. Plus concrètement, ils veulent pouvoir compter sur des 'touche-à-tout' capables à la fois d'usiner, de souder, de plier, d'appliquer des revêtements... bref, les fournisseurs doivent être en mesure de 'tout faire'. Ces entreprises ont cependant de plus en plus de mal à prouver qu'elles sont aussi performantes dans tous les domaines. Au sein de chacune des branches du métier, les acteurs de niche sont à l'heure actuelle de plus en plus nombreux à être hautement automatisés et numérisés. En outre, ils peuvent travailler beaucoup plus rapidement et à moindre coût que les 'touche-à-tout'.

 

Les acteurs du marché spécialisés et hautement automatisés sont depuis longtemps arrivés au bout de leur cycle d'investissement, n'ont pas besoin d'embaucher du personnel supplémentaire, et deviennent donc des concurrents redoutables dans le secteur. Berlo a donc conseillé aux personnes assistant au débat de commencer par déterminer où se situe leur savoir-faire en matière de fabrication, puis de voir s'ils sont prêts à payer davantage pour cela et de concentrer leurs investissements en conséquence. Il y a trop de fournisseurs qui tournent avec une trentaine de clients et qui, lorsque les choses se gâtent, en perdent soudain une dizaine. Dans ce cas, certains passeront vite quelques coups de fil pour décrocher quelques missions de travail supplémentaires facturées à moitié prix. Mais en agissant de la sorte, vous ne tiendrez même pas une année complète.

 

L'argent n'est plus gratuit et ne le sera plus jamais. Pour la fin de l'été, la plupart des observateurs s'attendent à une baisse des taux d'intérêt. D'autre part, on s'attend actuellement à une très forte vague de dépenses d'investissement de la part des sociétés de sous-traitance, qui doivent intensifier leurs efforts en matière de numérisation, d'automatisation et d'innovation. Par la même occasion, une vague d'achat et de construction est en train de voir le jour par le biais de grands holdings industriels, de rachats d'acteurs qui constituent des pièces maîtresses dans le puzzle complexe de la fabrication, de préférence avec une valorisation aussi basse que possible, afin de mettre la main sur le marché et les compétences, ou avec une valorisation aussi élevée que possible, en vue d'une revente ultérieure. Sur le papier, tout cela paraît tout à fait logique, jusqu'à ce que le vent tourne.

 

Mais les fournisseurs, comme par exemple Wilvo, qui fournit beaucoup de produits à ASML (entre autres), ont réalisé beaucoup de synergies et d'économies d'échelle au cours des dernières années grâce à cette stratégie d'achat et de construction. Toutefois, en raison des problèmes qui affectent actuellement ASML, ils enregistrent des pertes solidaires de 30 %. Un autre groupe de 7 entreprises, qui restera anonyme et dont le chiffre d'affaires cumulé s'élevait soudainement à 100 millions d'euros, est aujourd'hui au bord de la faillite. Il s'agit d'un petit groupement d'entreprises qui, à l'origine, étaient concurrentes, et qui ne partageaient pas leurs connaissances et leurs clients, dont le leadership était faible ou inexistant, et qui ne consacraient pratiquement aucun budget à l'innovation, avec pour résultat le triste fait qu'elles se retrouvent aujourd'hui au pied du mur. Et des cas pareils – ceux d'entreprises qui ont emprunté de l'argent à des taux avantageux et qui doivent maintenant refinancer des dettes plus coûteuses – sont de plus en plus fréquents.

 

Berlo comprend toutefois parfaitement que des entreprises bénéficiant d'un leadership visionnaire achètent une société possédant un savoir-faire particulier (comme par exemple le soudage), conservent son ADN, et l'intègrent en tant que maillon essentiel de leur modèle de croissance.

 

Pauvre en connaissances et en matériaux, mais riche en données

En tant que sous-traitant, 247TailorSteel est pauvre en connaissances. Berlo entend par là que le savoir-faire réside chez le client qui passe commande et qui télécharge des fichiers de conception avancés sur la plateforme. Ce que l'entreprise de Berlo a de réellement intéressant, c'est qu'en appuyant sur un simple bouton, on peut non seulement établir un devis, mais aussi, en parallèle, définir tous les autres paramètres, qu'il s'agisse de la production, des instructions de travail, des stocks ou de la logistique, comme dans un mécanisme parfaitement huilé. La seule intervention devant être assurée par des personnes est celle qui consiste à vider les camions des fournisseurs et à évacuer les pièces usinées.

 

L'entreprise conserve ses stocks pendant un jour et demi au maximum, ce qui minimise le fonds de roulement. Les accords passés avec les fournisseurs sont si solides et si importants que ces derniers se montrent très flexibles en matière de livraison. Chaque mois, des matériaux d'une valeur de 10 millions d'euros transitent par les six usines.

 

En raison du grand nombre de commandes et de configurations de commandes, le transformateur de tôles d'acier dispose d'une grande quantité de données. Ces données permettent non seulement de prévoir les volumes, mais aussi d'organiser les commandes de manière à ce que les combinaisons de production idéales permettent de réaliser d'importantes économies de déchets. Cela signifie également que 247TailorSteel peut se permettre de pratiquer des prix plus bas. D'ailleurs, si le client envoie une configuration ou un matériau qui n'est pas optimal(e), il reçoit une notification l'informant de la possibilité de produire plus efficacement et à moindre coût.

 

Enfin, Berlo a brièvement évoqué le fait que la transition numérique et l'automatisation sont des atouts très spécifiques qui permettent également de se distinguer de la concurrence. 247TailorSteel emploie 40 informaticiens et scientifiques des données, et le logiciel Sofia fait l'objet de mises à jour mensuelles et de mises à niveau de l'IA. D'haveloose propose 2 possibilités à Berlo. Allez-vous commencer par numériser les activités en fonction des clients ou plutôt en fonction de la production ?

 

Berlo indique que, s'il est confronté à ce choix, il optera plutôt pour la première solution. Le plus important, c'est de faciliter la tâche du client quand celui-ci passe sa commande. Mais si vous ne pouvez pas agir au niveau de la production, vous aurez un problème. Le CEO fait référence à VDL et à sa plateforme Order-On. C'est peut-être très innovant du point de vue de la commande, mais du point de vue de la production, l'avantage est minime. En d'autres termes, vous pouvez embellir votre front-end, mais si votre production n'a pas été numérisée de manière réfléchie, vous ne pouvez pas envoyer 125.000 articles par jour, comme c'est le cas chez 247TailorSteel.

 

Ce qu'il faut retenir des propos de Berlo : résilience, agilité et fiabilité

  • Comment un transformateur de métaux parvient-il à apporter son savoir-faire et ses compétences en matière de logiciels ? Notre invité souligne que les fournisseurs doivent penser différemment. Il ne suffit pas d'employer différemment les spécialistes des logiciels ou d'essayer de les réunir à un seul et même endroit. Il est préférable de se comporter comme une entreprise technologique, avec des personnes différentes, des méthodes de collaboration et, surtout, de lancer de nombreux projets ambitieux, de manière à constamment stimuler leur dynamisme.
  • Les priorités pour les clients sur une échelle de 1 à 100 ? Carl nuance : pour les quantités modestes et les clients moins réguliers, ce qui prime, c'est la facilité de commande sur la plateforme en ligne et la rapidité de la livraison. Le prix est ici moins important. Pour les commandes fréquentes et les volumes plus importants (surtout après les problèmes de stock rencontrés durant la pandémie), la fiabilité/le délai de livraison priment, après quoi vient le prix.

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