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Sioen Apparel: Solutions-focused diversification beats diworsification

27-02-2024

Auteur: Karl D’haveloose

 

 

 

 

Après notre passage au salon Indumation.be, qui a une nouvelle fois attiré un grand nombre de visiteurs, faisant de cette édition de 2024 une véritable réussite, nous sommes allés déguster un expresso bien corsé en compagnie de Bart Vervaecke, CEO de Sioen Apparel Division, dans les bureaux de l'entreprise à Ardoye. Pour ceux qui ne connaissent pas le parcours que Sioen a effectué en tant qu'entreprise, Sioen Industries a été fondée en 1907 et se compose aujourd'hui de trois entités à forte intégration verticale. Parallèlement à Sioen Chemicals, Sioen Coating (tissus et non-tissés) et Sioen Apparel sont deux piliers de l'entreprise, où la technologie et l'innovation ont une influence réciproque naturelle. En 2021, le holding familial Sihold a acquis toutes les actions cotées en bourse, dépassant ainsi aisément 601 millions d'euros, et affichant un BAIIDA de 94 millions d'euros. En 2023, le chiffre d'affaires a atteint 730 millions d'euros. Sioen Apparel possède 10 usines, réparties dans 8 pays d'Europe, d'Afrique et d'Asie. Alors que les autres divisions de Sioen fabriquent davantage de produits semi-finis en grandes quantités (grâce à environ 1.500 ETP), ce qui implique donc d'importantes dépenses d'investissement, Apparel fabrique davantage de produits finis, plus proches du client final et nécessitant donc plus de main-d'œuvre (4.000 ETP).

 

 

Vervaecke a rejoint Sioen Apparel en 2005 en tant que directeur général des ventes et est ensuite devenu CEO du fabricant de vêtements de protection en 2007. Le CEO explique que "Sioen Apparel protège les travailleurs contre les différents risques inhérents à leur profession, tels que la pluie, le froid, la chaleur et même les balles. Concrètement, il s'agit d'une gamme complète de vêtements professionnels homologués, allant de différents types d'uniformes à des vêtements de travail qui augmentent la visibilité ou protègent contre les balles, les flammes, l'électricité (statique), l'eau (et la pression hydraulique) ainsi que les équipements mécaniques tels que les tronçonneuses et toutes sortes d'outils dangereux."

 

Une chaîne d'approvisionnement ciblée, diversifiée et complexe

"Grâce à ce portefeuille très diversifié, Sioen Apparel est présente sur un grand nombre de marchés différents, dans le monde entier", poursuit Vervaecke. Et c'est d'ailleurs ce qui fait la singularité de l'entreprise. D'après le CEO, la concurrence se compose principalement de fabricants de niche très spécialisés dans les produits, chacun d'entre eux commercialisant également leurs produits dans des zones géographiques bien précises.

 

Vervaecke apporte quelques précisions sur ce point : "Pour ce qui est des vêtements pour pompiers, par exemple, nous avons en Allemagne des concurrents très spécialisés et totalement différents d'autres fabricants, comme par exemple ceux de France ou du Royaume-Uni, qui fabriquent eux aussi uniquement des vêtements pour pompiers. Cela implique donc de mettre en place une stratégie commerciale adaptée à chaque produit et à chaque région."

 

"Pour être plus précis, Sioen Apparel dispose de sa propre unité commerciale pour chaque gamme de produits qui, en tant que PME distincte au sein de l'organisation, adapte son ADN aux produits et aux spécificités géographiques. Cela signifie que les personnes chargées des vêtements pour pompiers, qu'elles soient chargées du développement des produits ou du développement commercial, ne se consacrent qu'aux vêtements pour pompiers, et à rien d'autre."

 

"Notre activité va de pair avec une chaîne d'approvisionnement très complexe, car si un seul élément venait à manquer – une simple étiquette, par exemple –, votre produit ne serait plus disponible", ajoute Vervaecke. "Un vêtement est constitué en moyenne de 35 composants, et la gamme de produits compte plusieurs milliers d'articles. La gestion de la chaîne d'approvisionnement demeure donc un défi de taille."

 

Dominer le marché, oui, mais pas au détriment du BAIIDA !

Sioen Apparel a pour mission d'acquérir une position de leader sur le marché, et ce dans chaque niche et dans chaque région, mais elle n'entend pas devenir le numéro un à n'importe quel prix, son objectif étant en réalité plutôt de se classer dans le top 3 ou le top 5. Une partie des activités de Sioen consiste à maîtriser les coûts de manière minutieuse et à procéder à une intégration verticale.

 

Sioen a fait le choix de se maintenir à l'écart des produits fabriqués en très grandes séries, tels que les gilets jaunes pour cyclistes, et de commercialiser des produits qui sont le fruit d'un savoir-faire bien spécifique. Par savoir-faire, Vervaecke entend non seulement l'innovation produit, mais aussi des connaissances très pointues dans le domaine de la production, auxquelles s'ajoutent des connaissances en matière de logistique, de marketing et de vente. Les clients de Sioen Apparel sont principalement des organismes publics et des distributeurs spécialisés.

 

"La gamme comprend des produits fabriqués sur stock et des produits fabriqués sur commande, pour lesquels des solutions personnalisées sont développées et mises en œuvre pour les clients. L'innovation produit est toujours portée par une demande implicite ou explicite du marché lui-même", précise le CEO.

 

Discutons avec Bart sur la diworsification et la standardisation

 

 

J'ai préalablement expliqué au CEO qu'Industrialnews a pour habitude de remettre en question un certain nombre de dogmes. Je demande donc à Vervaecke si la diversification au sens large du terme ne conduit pas à devenir un touche-à-tout, à perdre de vue ses objectifs et à finir par ne plus être le meilleur dans quelque domaine qui soit. Aux États-Unis, par exemple, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à utiliser le slogan 'Diversification becomes diworsification'. Sur quoi, Bart me répond aussitôt par une remarque très pertinente : "On ne doit en effet pas essayer de faire plaisir à tout le monde, surtout si cela implique de s'écarter de son cœur de métier. Nous fabriquons uniquement des vêtements que nous sommes en mesure de fabriquer comme il se doit. Nous n'allons donc pas nous lancer de sitôt sur des marchés tels que ceux des chaussures, des gants ou des casques, par exemple."

 

"Pour pouvoir rester dans la course sur le plan de la production", reprend mon interlocuteur, "nous disposons de sites en Asie où la production est axée sur de grandes séries standardisées, qui nécessitent peu de changements d'outils, et à côté de cela, nous disposons aussi d'usines flexibles en Roumanie et en Tunisie, où nous assemblons des séries plus petites et très spécialisées, mais de manière très réfléchie et avec des temps de changement d'outils très courts."

 

Bart nous parle aussi brièvement de la tendance à la standardisation et à la production modulaire. Face à la pression exercée par leurs fournisseurs, de nombreux fabricants sont contraints de réduire la variété des composants qu'ils utilisent. Dans le secteur de la construction de machines en particulier, on entend dire que les fournisseurs optent pour des composants de moins en moins nombreux, mais modulaires et standardisés, qui sont identiques sur chaque machine. Selon Bart, cela ne s'applique pas aux produits fabriqués par Sioen, bien au contraire. Les produits hautement personnalisés pour des clients spécifiques offrent également de meilleures marges et, pour autant que les méthodes de production soient flexibles et que les coûts soient maîtrisés, il s'agit là encore du fameux 'avantage concurrentiel' qu'évoque Vervaecke.

 

Avec le sourire aux lèvres, Vervaecke résume la situation en ces termes : "Je suis toujours très satisfait lorsque nous remportons un appel d'offres pour lequel nous sommes les meilleurs sur le plan technique, mais certainement pas les moins chers en termes de prix."

 

Stratégie tête/queue – La tête et la queue doivent évoluer en parallèle

Sioen Apparel développe environ 400 nouveaux produits par mois. Sur une base annuelle, cela représente donc une quantité réellement énorme. Ces innovations produits et cette cocréation ont une influence réciproque sur les différentes unités commerciales, ce qui permet d'exercer une pression à la hausse sur l'innovation dans tous les segments.

 

Vervaecke explique brièvement sa stratégie tête/queue en me dessinant un poisson. "Dans la tête se trouve l'ensemble des compétences de la division belge de R&D. Dans la queue se trouve la logistique et la distribution, qui sont assurées à 100 % en Belgique. Tout ce qui est produit au niveau mondial revient d'abord en Belgique. La partie intermédiaire, le corps, correspond à la production, qui est délocalisée dans 8 pays, où il est plus facile de trouver un grand nombre de jeunes travailleurs peu qualifiés, et surtout offrant une main-d'œuvre abordable, pour assurer l'assemblage."

 

Le chiffre d'affaires de Sioen Apparel est passé de 70 millions d'euros en 2005 à 240 millions d'euros aujourd'hui. Malgré la délocalisation, son nombre d'employés a augmenté de 10 % en Belgique l'année dernière, principalement dans les domaines de la logistique, de la R&D et de la distribution. Et un entrepôt semi-automatisé supplémentaire de 10.000 m² (et de 20 m de haut) verra bientôt le jour.

 

Dans l'entrepôt existant, dont la construction remonte à 1995, nous avons constaté qu'il y avait encore énormément de déplacements avec des cartons. Nous avions déjà semi-automatisé cet entrepôt en y ajoutant des postes de préparation de commandes, des élévateurs de palettes et de grandes armoires de stockage automatisées. Pour une telle variété de produits et de cartons, cela représentait déjà un sérieux défi en soi.

 

L'entrepôt en cours de construction est déjà semi-automatisé à la base, mais il a été conçu de manière à ce que nous puissions progressivement en faire un entrepôt entièrement automatisé. À terme, tout devrait pouvoir être transporté automatiquement depuis les machines vers l'entrepôt, via le système de gestion d'entrepôts, sans aucune intervention humaine.

 

 

Automatiser et numériser de la tête à la queue et au niveau du produit.

L'arête centrale de notre poisson correspond au PGI de SAP, plus précisément à la solution 'Apparel and Footwear', étant donné que les produits sont tous tridimensionnels (style, couleur, taille). Nous sommes toutefois en train d'effectuer une transition progressive vers S/4Hana. Celui-ci envoie à la R&D, avec un SGDT très spécifique (développé en interne), et à la logistique, un WMS conçu sur mesure en collaboration avec C&W Logistics (variations de 1.000 lignes de quelques pièces à 1 ligne de 20.000 pièces).

 

 

La division Apparel est également très active sur le front de l'automatisation de la production. D'importants investissements ont été réalisés dans des machines permettant de réaliser diverses opérations complexes au cours d'un même cycle de production. Les machines doivent désormais être capables d'effectuer à la fois des découpes au laser et des piqûres. Tous les deux mois, toutes les usines échangent au sujet de leurs meilleures pratiques en matière de production et d'automatisation.

 

Sioen opère en outre une transition numérique afin d'assurer un suivi sans papier et en temps réel de toutes les données de production et de l'OEE. Vervaecke s'est notamment inspiré de Volvo Trucks, où une chaîne spécifique pour les modèles standards et une chaîne pour les modèles spéciaux ont été mises en place. La production standard fait l'objet d'un suivi rigoureux au niveau de l'OEE, tandis que la chaîne des produits spéciaux, où la personnalisation revêt un rôle central, fait l'objet d'un suivi moins rigoureux, même si les normes de qualité y restent extrêmement strictes.

 

Au-delà de la numérisation des processus, les produits subissent eux aussi une véritable transformation numérique. Nos vêtements de protection sont de plus en plus souvent équipés de capteurs et de wearables intelligents. En 2027, par exemple, chaque produit devra être muni d'un passeport numérique, qui rendra sa composition, son origine, son impact écologique et autres informations traçables au moyen d'un code QR. Toutes les données relatives à la production et à la chaîne d'approvisionnement de plus de 10.000 produits devront ainsi être collectées et intégrées sous une seule et même étiquette. La RFID dans les vêtements assure un fil numérique complet depuis l'achat, le lavage et la réparation jusqu'à l'éventuel recyclage.

 

En collaboration avec Imec, un projet de recherche complet a été mené pour mesurer la température en temps réel dans les combinaisons de pompiers. Dans ces combinaisons, la température augmente si lentement que lorsqu'il y a danger de mort, il est généralement trop tard pour intervenir. Des capteurs intégrés à chaque combinaison permettent de contrôler à distance quel pompier s'approche de la zone dangereuse. Les gilets de sauvetage les plus récents doivent quant à eux être équipés de balises permettant d'indiquer la position exacte de la personne en train de se noyer.

 

Défis à court et à long terme

Pour notre CEO, tous les défis à relever sont des défis à long terme. Pour commencer, il n'y a plus de formation pour devenir ingénieur textile. Le recrutement de travailleurs dans les ateliers, de même que celui de personnes disposant d'un certain bagage technologique, est un casse-tête de tous les jours. Tout comme le maintien de la flexibilité et de la résilience de la chaîne d'approvisionnement, qui reste un marathon ininterrompu. Sioen Apparel, comme la plupart des autres fabricants, est de surcroît confrontée à différents aléas géographiques et géopolitiques, mais aussi à des risques de fluctuation des taux de change. Aujourd'hui, la relocalisation dans nos régions reste une véritable utopie, car il est impossible de trouver ici des milliers de personnes et de matériaux à des prix abordables. Les entreprises européennes sont en outre les premières à devoir s'acquitter de la facture du développement durable et à devoir se conformer aux réglementations qui vont de pair, alors que le client final n'y contribue que très peu, voire pas du tout.

 

Depuis 2021, Sioen n'est plus cotée en bourse en Belgique, principalement parce qu'avec un tel éventail d'activités, il faut énormément de personnel et de ressources pour assurer une transparence dont les concurrents, en particulier, tentent systématiquement de tirer parti.

 

Circularité et fin de vie – Une évolution trop rapide et trop complexe à laquelle s'ajoute une concurrence déloyale

La durée de vie des produits fabriqués par Sioen Apparel est déjà très longue. Mais le but est de les rendre encore plus durables et de leur donner une autre vie (end of life). Cela implique des matériaux plus résistants et recyclés, qui en plus de pouvoir être entretenus pendant plus longtemps, ont également une durée de vie plus longue. Nous ne fabriquons pas des vêtements qui passeront de mode après une courte saison, et dont les décharges sont aujourd'hui pleines ; nos produits doivent pouvoir durer plus de 10 ans.

 

Si l'on approfondit la question, cela signifie que notre département de R&D et notre chaîne d'approvisionnement doivent prendre en compte à la fois l'utilisation, la production et le désassemblage ultérieur de ces matériaux. Prenons l'exemple d'une veste équipée de bandes réfléchissantes, qui sont généralement cousues ou soudées. Les bandes soudées offrent un meilleur niveau de confort, mais sont difficiles à désassembler, et si vous les cousez, vous devez utiliser un fil thermofusible qui fond à partir de 180 degrés. Pour ce faire, la veste doit être placée dans un four spécial afin que les coutures se défassent et se désintègrent.

 

Il faut savoir que toute cette vague de circularité en Europe occidentale entraîne des millions d'euros de dépenses dans de nouvelles méthodes de production et de développement, là où les concurrents extra-européens continuent tout simplement à produire comme d'habitude, à des prix moins élevés. Il y a donc trop de choses qui évoluent en trop peu de temps, et dans des conditions de concurrence très inégales.

 

 

En fin de compte, il faut se demander si un client qui paie 50 euros pour un nouveau produit est prêt à payer en payer 100 pour obtenir une alternative durable et recyclée. Ce n'est donc pas demain la veille que l'utilisateur final suivra le mouvement, à moins qu'il n'ait plus le choix. Vervaecke rappelle que si l'industrie manufacturière disparaît en Europe, le secteur des services, qui en dépend en grande partie, sera lui aussi menacé de disparition.

 

La mission de Sioen Apparel est ambitieuse, mais Vervaecke se montre optimiste dans une perspective à long terme : pour lui, il est tout à fait possible d'occuper une position dominante sur le marché des vêtements de protection durables en misant sur les différentes avancées pouvant être réalisées dans les domaines de la R&D, des méthodes de production améliorées, numérisées et automatisées, de la logistique et de l'excellence opérationnelle.

 

Un Bélier déterminé, qui préfère être aux commandes pour décrocher la pole position

 

 

Notre Bélier, aujourd'hui âgé de 53 ans, a étudié le droit à Anvers et est parti peu de temps après faire un DESS en Gestion en France. Bart est le CEO de Sioen Apparel depuis 18 ans – une période durant laquelle il a été confronté aux hauts et aux bas de l'industrie manufacturière. Il est également administrateur de plusieurs autres entreprises.

 

Certains voient en son credo 'No greatness but constant hard work to succeed' une forme d'entêtement, mais quand on est un Bélier, il ne faut pas avoir peur d'aller toujours plus loin, sans quoi on finit vite par se lasser. À l'instar de son contemporain Grisja Lobbestael, il trouve désolant que certains dirigeants politiques mal élus, qui polarisent les esprits avec un discours simpliste, soient à l'origine de préjudices matériels et humains et alimentent d'autres escalades.

 

Comme beaucoup de ses collègues de l'industrie, il estime que le secteur manufacturier est politiquement et économiquement sous-estimé et qu'il est soumis à une forte pression de la part des autorités de réglementation. Ce quinquagénaire reste néanmoins très facile à combler avec une bonne bouteille de vin et un bon bouquin, ou en le mettant sur la route, au volant d'un bolide élégant et fougueux.

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